Donald Trump menace de représailles les pays qui taxent la Big Tech

Le président américain s’est dit prêt à imposer des droits de douane supplémentaires substantiels aux pays qui s’attaqueraient aux géants américains du numérique.

Août 29, 2025 - 01:38
Donald Trump menace de représailles les pays qui taxent la Big Tech
Le président américain, Donald Trump, lors d’une conférence de presse, dans le bureau Ovale, à la Maison Blanche, le 25 août 2025. MANDEL NGAN / AFP

La guerre commerciale de Donald Trump concernait jusqu’à présent la « vieille industrie », à savoir l’automobile, l’acier et les produits de luxe. Le président des Etats-Unis vient d’ouvrir un nouveau front : les services high-tech. « L’Amérique et les entreprises technologiques américaines ne sont plus la “tirelire” ni le “paillasson” du monde. Montrez du respect à l’Amérique et à nos formidables entreprises technologiques, ou envisagez les conséquences ! », a menacé Donald Trump sur son réseau Truth Social, lundi 25 août, dans la soirée.

« En tant que président des Etats-Unis, je tiendrai tête aux pays qui attaquent nos formidables entreprises technologiques américaines. Les taxes numériques, la législation sur les services numériques et la réglementation des marchés numériques sont toutes conçues pour nuire à la technologie américaine ou la discriminer… Cela doit cesser, et cesser MAINTENANT ! », a-t-il tonné, avant de menacer : « J’avertis tous les pays appliquant des taxes, des lois, des règles ou des réglementations numériques : à moins que ces mesures discriminatoires ne soient supprimées, j’imposerai, en tant que président des Etats-Unis, des droits de douane supplémentaires substantiels sur leurs exportations vers les Etats-Unis et instaurerai des restrictions à l’exportation sur nos technologies et puces électroniques hautement protégées. »

« Trump disjoncte complètement ce soir », écrit sur X l’investisseur Spencer Hakimian, fondateur de Tolou Capital Management, l’annonce intervenant après le renvoi d’une des gouverneures de la Réserve fédérale, lundi.

Le président et son administration s’opposent depuis longtemps aux réglementations et à la taxation des entreprises technologiques et des plateformes Web, dont la plupart sont des géants américains. En février, il avait ravivé des enquêtes lancées lors de son premier mandat contre la France, l’Autriche, l’Italie, l’Espagne, la Turquie et le Royaume-Uni dans un mémo intitulé « Défendre les entreprises et les innovateurs américains contre les extorsions étrangères et les amendes et pénalités injustes ». En juin, Donald Trump avait menacé d’assommer le Canada de droits de douane, forçant son voisin à renoncer à son projet de taxe numérique. Cet hiver, l’Inde a renoncé à une taxe du même type. Le Royaume-Uni s’en est bien sorti, réussissant à négocier un accord commercial, en mai, avec Donald Trump sans avoir à revenir sur la taxe de 2 % sur les géants du numérique.

La bascule idéologique a été formalisée pendant la campagne présidentielle. Donald Trump avait rapporté en octobre 2024 un entretien qu’il avait eu avec le patron d’Apple. « [Tim Cook] m’a dit que l’Union européenne venait de [lui] infliger une amende de 15 milliards de dollars [12,9 milliards d’euros]. Et qu’en plus de cela elle leur infligeait une amende de 2 milliards de dollars supplémentaires », racontait alors Donald Trump. « Tim, je dois d’abord être élu… Mais je ne vais pas les laisser profiter de nos entreprises. Cela n’arrivera pas », assurait-il avoir déclaré au patron d’Apple. Les entreprises américaines ont maintes fois déploré les amendes et les coûts engagés pour se conformer aux réglementations européennes. Toute la tech, qui était pourtant traditionnellement prodémocrate à l’exception de Peter Thiel, cofondateur de PayPal et de Palantir, s’est alors ralliée à Donald Trump.

Déclaration commune

Le secrétaire au Trésor, Scott Bessent, a détaillé la philosophie trumpiste lors d’une audition au Congrès, le 11 juin : « Des pays tirent des revenus substantiels du Trésor américain et nos grandes entreprises Internet, qui sont uniques aux Etats-Unis, en sont un exemple : la taxe [du Canada] sur les services numériques était particulièrement flagrante… Lorsque je parle de ce que nous combattons, nous nous opposons aux taxes douanières, aux mesures non douanières, à la manipulation monétaire [en réalité le dollar a été dévalué de plus de 10 % depuis le début de l’année], aux subventions gouvernementales et à la fiscalité injuste. Et aux amendes que l’Union européenne impose à ces mêmes entreprises. »

L’avertissement du président intervient après que les Etats-Unis et l’Union européenne (UE) sont convenus, dans une déclaration commune, jeudi 21 août, de « s’attaquer ensemble aux barrières commerciales injustifiées » et de « ne pas imposer de droits de douane sur les transmissions électroniques ». Dans une déclaration séparée, la Commission européenne a toutefois précisé que la déclaration commune Union européenne - Etats-Unis « ne cont[enait] aucun engagement concernant la réglementation numérique de l’Union. [Il a été] clairement indiqué aux Etats-Unis que des modifications de [la] réglementation numérique [de l’UE] – la loi sur les marchés numériques et la loi sur les services numériques – n’étaient pas à l’ordre du jour ». Mais aucune négociation n’est jamais définitive avec Donald Trump. Nul ne connaît précisément l’ampleur des exigences américaines qui pourraient apparaître, mais les six premiers mois de son mandat ont montré qu’il amplifiait ses menaces plus qu’il ne les tempérait.

Ces derniers mois, certains experts européens du commerce, tel l’ancien directeur général du commerce extérieur de la Commission européenne Jean-Luc Demarty, estimaient que, plutôt que de capituler face à Donald Trump, la présidente de l’exécutif communautaire, Ursula von der Leyen, aurait dû brandir la menace de taxer davantage les géants du numérique. L’arme s’est émoussée lundi soir.

[Source: Le Monde]