L'Iran en "faillite hydrique": les lacs de barrage de Téhéran presque vides face à une sécheresse extrême, l'évacuation de la capitale redoutée

L'Iran, en pleine saison humide, fait face à une sécheresse record. À tel point qu'en novembre, le président iranien Masoud Pezeshkian a suggéré l'évacuation des 15 millions d'habitants de la capitale, Téhéran, si la situation ne s'améliorait pas en décembre. Un mois plus tard, les réserves en eau du pays et notamment de la capitale sont au plus bas.

Déc 3, 2025 - 12:57
L'Iran en "faillite hydrique": les lacs de barrage de Téhéran presque vides face à une sécheresse extrême, l'évacuation de la capitale redoutée
Une photo du pont Si-o-seh Pol ou pont Allahverdi-Khan prise le 10 juillet 2018. Ce pont vieux de 400 ans est ainsi nommé en raison de ses 33 arches. Il enjambe le fleuve Zayandeh Roud à sec, à Ispahan, en Iran (photo d'illustration). Associated Press / Vahid Salemi

De ces six longues années de sécheresse, l'Iran n'en avait pas connu d'aussi dramatique. L'année 2025 enregistre même la pire sécheresse depuis 40 ans. L'eau manque désespérément, les réserves en or bleu et les lacs du pays se vident, "à une période de l'année où l'on s'attendrait normalement à ce que les stocks se reconstituent, et non à ce qu'ils continuent de s'effondrer", confie à la chaîne américaine CNN Amir AghaKouchak, professeur de génie civil et environnemental à l'université de Californie à Irvine. 

La soif est telle que Masoud Pezeshkian a appelé début novembre à évacuer la capitale, Téhéran, si la situation venait à perdurer en décembre. Le président iranien a également prévenu que des rationnements en eau seraient mis en place. Près d'un mois plus tard, la sentence est là: les précipitations habituellement promises par la saison humide - qui s'étend d'octobre à mars - ne sont pas venues. 

Les réservoirs de Téhéran remplis à 11%

Le sol semi-aride du territoire de vallées, de plaines et de déserts qui abrite de nombreuses cultures et les villes du pays qui se densifient souffrent. En tout, vingt provinces du pays sont concernées. Téhéran, dont la ville et son agglomération comptent environ 15 millions d'habitants, est pour la première fois touchée, symptôme le plus voyant des maux dont souffre le pays. 

Les principaux réservoirs qui alimentent la ville ne sont remplis qu'à environ 11%, selon Mohsen Ardakani, directeur général de l'Autorité provinciale de l'eau et de l'assainissement de Téhéran, dont les propos, cités par CNN, sont rapportés par l'agence de presse iranienne Mehr News Agency

Les lacs des barrages remplis à moins de 10% de leur capacité

Le lac du barrage de Latyan, à 24 kilomètres de Téhéran, est à 9% de sa capacité en eau, rapporte également CNN, citant Tasnimnews. La vaste étendue d'eau a laissé place à un sol quasi découvert, traversé par quelques ruisseaux. Le barrage d'Amir Kabir, situé à 40 kilomètres de Téhéran, voit lui son lac rempli à 8% de sa capacité totale, selon Reuters

Mashhad, la deuxième plus grande ville d'Iran située au nord-est du territoire, est aussi touchée. Elle abrite 3 millions d'habitants qui doivent faire avec des lacs de barrage remplis à 3% de leur capacité totale, selon le directeur de la compagnie des eaux et d'assainissement de Mashhad cité par ISNA News et rapporté CNN. 

"Mauvaise gestion" et réchauffement climatique

Le pays fait face à une "faillite hydrique". "Il utilise chaque année plus d'eau que ses sources renouvelables n'en produisent", explique en 2021 Kaveh Madani, scientifique environnemental et directeur de l'Institut de l'Université des Nations Unies pour l'eau, l'environnement et la santé. En juillet 2021 justement, une sécheresse extrême déclenchait des manifestations de la soif dans la province du Khouzestan.

La situation n'est pas différente d'aujourd'hui. Le pays paie le prix de "décennies de mauvaise gestion", explique auprès de nos confrères de France 24 Kaveh Madani. L'agriculture irriguée a été fortement encouragée par le gouvernement, y compris dans des régions particulièrement arides, en vertu de la sécurité et de l'autonomie alimentaire face à la dite pression étrangère. 

Plus de 90% de la consommation d'eau en Iran provient de l'agriculture, qualifiée d'"inefficace et de non durable" par le scientifique iranien dans un rapport en 2015. Les eaux souterraines ont été pompées de manière illimitée. Les barrages se sont multipliés. Les agglomérations se sont densifiées, amplifiant la demande en eau. Le réchauffement climatique et la sécheresse régionale viennent aggraver une situation déjà sensible. 

"Le gouvernement ne sait pas quoi faire"

"Le gouvernement ne sait pas quoi faire. Le pays a fait face à une guerre récemment et le gouvernement a besoin du soutien du peuple. Ils espéraient voir de la pluie en octobre mais elle n'est pas venue. Les coupures d'eau sont à ce jour la seule solution et cela génère du stress aussi bien du côté de la population que du gouvernement", commente l'ancien vice-ministre iranien de l'Environnement sur France 24. 

Dans le pays, face à la sécheresse, la vie est aussi difficile pour les citadins que pour les ruraux. Le stress hydrique touche notamment les agriculteurs dont les revenus "dépendent de cultures nécessitant une irrigation intensive", analyse le réseau scientifique international "Attribution du climat mondial" (WWA). 

"La baisse des rendements, l'augmentation des coûts des intrants et le manque d'alternatives pour subvenir à leurs besoins accroissent leur vulnérabilité, contribuant ainsi à la migration interne, notamment vers les villes, et à une dépendance accrue à l'égard de stratégies d'adaptation à court terme". 

En attendant la pluie, certains Iraniens s'en remettent au ciel. Mi-novembre, au nord de Téhéran, ils étaient des centaines à prier pour l'arrivée des précipitations. 

[Source: TV5Monde]