Israël a déjoué la riposte iranienne et poursuit son offensive militaire, en préparation depuis huit mois

Les salves de missiles envoyées par l’Iran, dans la nuit du vendredi 13 au samedi 14 juin, ont fait au moins trois morts sur le territoire israélien et 70 blessés.

Juin 14, 2025 - 17:40
Israël a déjoué la riposte iranienne et poursuit son offensive militaire, en préparation depuis huit mois
Des pompiers israéliens inspectent les dégâts causés par une frappe de missile à Ramat Gan, près de Tel-Aviv, le 14 juin 2025. ERFAN KHOSHKHOO

Ce fut l’une des plus dures nuits qu’a connues Israël depuis la guerre commencée le 7-Octobre avec l’attaque du Hamas. Dans la nuit du vendredi 13 au samedi 14 juin, l’Iran a lancé 150 missiles balistiques, visant « des dizaines de cibles » « de bases et d’infrastructures militaires », selon Téhéran. Les sirènes de la défense antiaérienne de l’Etat hébreu ont résonné à travers tout le pays, surtout pendant la première partie de la nuit, où les avions de chasse et le système de défense multicouches ont été fortement sollicités contre les frappes iraniennes. Le commandement du front intérieur a recommandé à une demi-douzaine de reprises à la population de rester dans les abris.

Au moins trois personnes ont été tuées et 70 blessées dans cette première riposte massive, selon la presse israélienne. C’est le centre d’Israël qui a le plus souffert. Un gratte-ciel a été touché à Tel-Aviv. Un bloc d’habitations a été détruit à Ramat Gan, non loin. Et, dans la banlieue cossue de Rishon LeZion, un missile a explosé non loin d’un quartier résidentiel, causant de nombreux dégâts.

Huit mois de préparation

Ce conflit ouvert entre les deux puissances régionales survient après des décennies de guerre de l’ombre et plusieurs mois d’escalade entre Israël et l’Iran. Il s’agit désormais, pour l’Etat hébreu, de briser, et non plus de ralentir, le programme nucléaire de la République islamique, de détruire sa capacité balistique, de lui porter des coups irréversibles, voire de susciter la chute du régime de Téhéran, comme l’a déclaré ouvertement Benyamin Nétanyahou, le premier ministre israélien, dans une vidéo diffusée vendredi soir. « Le temps est venu pour le peuple iranien de s’unir autour de son drapeau et de son héritage historique, en défendant sa liberté face au régime pervers et oppressif », a-t-il déclaré.

Après la mise au pas du Hezbollah libanais, à l’automne 2024, et la fuite du dirigeant syrien Bachar Al-Assad, en décembre 2024, l’Etat hébreu espère affaiblir durablement son ennemi historique. « Ce vendredi a été un jour historique, c’est ce pour quoi Israël s’est préparé depuis que l’usine d’enrichissement de Natanz a été dévoilée par le régime iranien en 2002. Cette offensive peut changer la face du Moyen-Orient », estime Raphael BenLevi, chercheur senior à l’institut israélien Misgav pour la sécurité nationale et la stratégie sioniste.

L’attaque d’ouverture a nécessité huit mois de préparation, selon le média américain Axios. Le déclic remonte au 1er octobre 2024, lorsque l’Iran envoie une salve de 200 missiles balistiques sur Israël, en représailles à l’assassinat du chef du Hezbollah, Hassan Nasrallah, le 27 septembre 2024 à Beyrouth, et d’Ismaïl Haniyeh, le chef du Hamas, en juillet 2024, à Téhéran. C’est alors que Benyamin Nétanyahou aurait décidé d’une double attaque, l’une sur les programmes de missiles, l’autre sur la recherche nucléaire.

L’opération, lancée dans la nuit du 12 au 13 juin, combine bombardements aériens massifs et actions de commandos infiltrés en territoire iranien. La majeure partie des forces aériennes israéliennes, parmi les plus performantes au monde, est engagée. Selon un responsable militaire israélien, 200 avions de chasse ont été mobilisés, pour être envoyés à plus de 2 000 kilomètres des frontières de l’Etat hébreu.

L’attaque a été menée en plusieurs vagues. Elle a visé à supprimer les défenses aériennes iraniennes, à dégrader la capacité de la République islamique à riposter contre Israël et à perturber les fonctions de commandement et de contrôle. Israël, en réussissant à atteindre la plupart de ces objectifs, a créé les conditions nécessaires à la poursuite de la campagne.

Rôle crucial des espions

Mais les pilotes n’ont pas été les seuls à agir. Les espions ont aussi joué un rôle crucial dans la réussite de cette attaque. Selon Axios, quand les Iraniens ont perçu qu’une attaque israélienne était imminente, les commandants des forces aériennes des gardiens de la révolution se sont rassemblés dans un abri pour organiser la riposte. Mais Israël, au courant de la procédure, connaissait la localisation de l’abri, et a détruit ce dernier, décapitant le commandement et compromettant ainsi la réponse militaire. En visant la tête, l’armée israélienne a permis à ses forces de se concentrer sur la poursuite de l’offensive. Les avions de chasse ont volé dans un espace aérien incontesté.

Au même moment, des agents du Mossad, le service de renseignement israélien, ont mené des opérations de sabotage en territoire iranien, visant, eux aussi, sites de défense antiaérienne et de lancement de missiles balistiques. Ils ont déployé des systèmes d’armes guidés, ainsi qu’une base de drones d’attaque introduite clandestinement avant l’attaque. Résultat : l’armée israélienne, qui s’était préparée à une riposte immédiate de 300 à 500 missiles balistiques, n’a eu à contrer qu’une première contre-attaque d’une centaine de drones, déjouée par les avions de chasse et la défense antiaérienne de l’Etat hébreu.

Profitant de sa position de force, Israël a poursuivi ses frappes sur les sites des programmes de recherche nucléaire et ceux sur les missiles balistiques, continuant à nettoyer la défense antiaérienne iranienne et posant les bases d’une campagne qui devrait durer plusieurs semaines : « L’opération de vendredi ne se limitera pas à cette unique attaque. Une évaluation des dégâts sera effectuée pour établir des plans pour de nouvelles cibles », reprend Raphael BenLevi. Samedi matin, Israël poursuivait ses attaques sur le sol iranien, face à une République islamique encore largement tétanisée.

[Source: Le Monde]