Donald Trump quitte précipitamment un G7 percuté par les conflits au Proche-Orient et en Ukraine, et s’en prend à Emmanuel Macron

Le président américain a une fois encore marqué son rejet du multilatéralisme, en pleine escalade entre Israël et l’Iran. « Emmanuel ne comprend jamais rien », a-t-il lancé à propos de son homologue français.

Juin 17, 2025 - 13:30
Donald Trump quitte précipitamment un G7 percuté par les conflits au Proche-Orient et en Ukraine, et s’en prend à Emmanuel Macron
Le président français, Emmanuel Macron, le premier ministre canadien, Mark Carney, le président américain, Donald Trump, et le premier ministre britannique, Keir Starmer, lors de la « photo de famille » du sommet du G7 à Kananaskis, le 16 juin 2025. JULIEN MUGUET POUR « LE MONDE »

Le premier ministre canadien, Mark Carney, aura bien tenté d’éviter tout coup de théâtre lors du sommet du G7 organisé sous sa présidence, à Kananaskis, dans l’Alberta. Peine perdue. Dans le décor escarpé et sauvage des Rocheuses canadiennes, Donald Trump en a décidé autrement. Le président américain a, contre toute attente, quitté la réunion juste après le dîner consacré, lundi 16 juin au soir, aux enjeux internationaux.

Pour justifier ce départ, la porte-parole de la Maison Blanche avait mis en avant, en toute fin d’après-midi, la situation au Proche-Orient, alors que le conflit entre l’Etat hébreu et la République islamique gagne en intensité au fil des jours. La Maison Blanche a convoqué pour mardi un conseil de défense, à Washington. « Je dois rentrer aussi vite que possible », a expliqué le président américain, sans donner de précisions, au moment de la « photo de famille » avec ses homologues. Dans la soirée, il a démenti que son retrait du sommet avait à voir avec « un cessez-le-feu entre Iran et Israël » et s’en est pris spécifiquement au président français. « [Emmanuel Macron] n’a aucune idée de la raison pour laquelle je suis maintenant en route pour Washington, mais cela n’a certainement rien à voir avec un cessez-le-feu. C’est beaucoup plus gros que ça », a-t-il écrit sur son réseau Truth Social. « Volontairement ou pas, Emmanuel ne comprend jamais rien », a-t-il ajouté.

Ce départ précipité est une nouvelle illustration de l’unilatéralisme du président républicain et de sa ligne MAGA (Make America Great Again), peu soucieux de se concerter avec des alliés qu’il maltraite tout en ménageant ses adversaires.

La journée avait commencé comme elle a fini, Trump montrant tout le mépris qu’il a pour ce genre de format multilatéral, qu’affectionnait son prédécesseur démocrate, Joe Biden. A peine reçu par Mark Carney, le président américain a de nouveau dénoncé l’exclusion du G8 de son homologue russe, Vladimir Poutine, en 2014, après l’annexion unilatérale de la Crimée par Moscou. « Poutine s’est senti insulté (…). Ce fut une grande erreur d’Obama[président américain de 2008 à 2016] (…). Il n’y aurait pas eu cette guerre » en Ukraine, a lancé Donald Trump dans un court échange avec des journalistes, en marge de son tête-à-tête avec le dirigeant canadien.

La saillie a dû rappeler à M. Carney le mauvais moment passé par son prédécesseur Justin Trudeau lors du précédent sommet du G7 au Canada, en 2018, quand Trump avait accepté de signer la déclaration finale, puis s’était rétracté dans l’avion de retour, ulcéré par le refus de ses collègues de réintégrer le maître du Kremlin. Sept ans plus tard, le retour de la Russie dans le petit cercle des principales puissances économiques du monde démocratique reste, en pleine guerre d’Ukraine, hors de question pour ses homologues.

Eviter une escalade

Après ce coup de semonce, les échanges se sont focalisés, lundi, sur le conflit entre Israël et l’Iran. Le Canada a renoncé depuis des semaines à négocier une déclaration finale du sommet, afin d’éviter toute occasion de frictions supplémentaires avec l’administration Trump, mais les Etats-Unis ont bloqué, durant une bonne partie de la journée, l’adoption d’un texte spécifique sur le conflit entre Israël et l’Iran et la guerre à Gaza. Le président américain, lui-même engagé avant l’offensive israélienne dans les négociations infructueuses avec l’Iran, n’entendait visiblement pas laisser les Européens inspirer une prise de position commune, après les avoir écartés des négociations. Il a fini par accepter le projet de texte, juste avant de quitter le sommet.

Les dirigeants du G7 prônent la « désescalade », affirment le droit d’Israël à « se défendre » et appellent à « protéger les civils ». Ils soulignent aussi que « l’Iran est la principale source d’instabilité et de terrorisme dans la région » et ajoutent : « Nous avons toujours été clairs sur le fait que l’Iran ne pourra jamais disposer d’une arme nucléaire ». « Nous demandons instamment que la résolution de la crise en Iran aboutisse à une désescalade plus vaste des hostilités au Moyen-Orient, y compris à un cessez-le-feu à Gaza », écrivent-ils encore.

Toute la journée, Donald Trump a soufflé le chaud et le froid sur ses intentions sur le dossier proche-oriental. Les dirigeants iraniens « auraient dû discuter. Ils devraient discuter immédiatement, sinon ce sera trop tard », a-t-il insisté. Une façon d’accentuer la pression sur la République islamique. Les autres membres du G7 sont quant à eux soucieux d’éviter une escalade, qui verrait l’Etat hébreu se lancer dans une guerre sans limite, au minimum avec le soutien tacite de Washington, voire avec son appui opérationnel. Emmanuel Macron a ainsi mis en garde contre la tentation de forcer un changement de régime, qui serait une « erreur stratégique », a-t-il dit : « Tous ceux qui croient qu’en frappant avec des bombes depuis l’extérieur on sauve un pays malgré lui-même et contre lui-même se sont toujours trompés. »

Mauvaise nouvelle pour l’Ukraine

D’après des sources européennes, les Etats-Unis auraient cependant fait une nouvelle offre de négociations pour tenter de trouver un accord de cessez-le-feu. Ils proposeraient notamment d’organiser une nouvelle rencontre entre les négociateurs américains et iraniens, dans les prochains jours. « Les propositions sont une bonne chose. Si les Etats-Unis peuvent obtenir un cessez-le-feu, la France le soutiendra », a assuré Emmanuel Macron, sans se faire trop d’illusions. Le chef de l’Etat espère même que la cessation des hostilités pourrait s’accompagner d’une relance des négociations sur le nucléaire iranien, son programme balistique, et ses capacités de déstabilisation régionale, cette fois avec la participation des Européens et des pays arabes.

En marge du G7, le ministre français des affaires étrangères, Jean-Noël Barrot, et ses homologues britannique et allemand se sont entretenus avec le chef de la diplomatie iranienne, Abbas Araghtchi, pour l’inciter « à revenir au plus vite, sans préconditions, à la table des négociations ». Ils demandent à Téhéran de renoncer à « toute fuite en avant contre les intérêts occidentaux, toute extension régionale et toute escalade nucléaire ». Ils ont aussi fait passer des messages à Israël afin de « ne pas cibler les autorités, infrastructures et populations civiles ».

Le départ précipité de Trump est aussi une mauvaise nouvelle pour Volodymyr Zelensky, le président ukrainien, qui devait participer mardi 17 juin à une réunion consacrée à la guerre en Ukraine. Il espérait bien y croiser Donald Trump pour discuter avec lui de l’achat d’armes américaines par l’Ukraine, afin de poursuivre les combats contre la Russie. Donald Trump, dont les efforts de négociation avec Poutine sont dans l’impasse, n’a rien dit de ce projet. En revanche, il a une nouvelle fois pris ses distances avec l’idée d’imposer de nouvelles sanctions à la Russie de Vladimir Poutine, comme le préconisent ses homologues du G7. Il a suggéré à l’Union européenne, qui vient de présenter un 18paquet de mesures, de prendre les devants, avant toute décision de la Maison Blanche sur le train de sanctions préparé par un groupe bipartisan de sénateurs américains. Ces sujets devraient faire l’objet de nouvelles discussions lors du sommet de l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord, les 24 et 25 juin à La Haye, aux Pays-Bas. Mais, au grand dam de Volodymyr Zelensky, la question ukrainienne risque plus que jamais d’être éclipsée par l’escalade au Proche-Orient. Alors que des bombardements russes ont fait au moins 14 morts à Kiev dans la nuit, la présidence ukrainienne a regretté mardi l’absence de « réaction adéquate du monde civilisé ».