Fashion week homme : Milan en mode décontraction
Pour les collections masculines printemps-été 2026, présentées dans la capitale lombarde jusqu’au 24 juin, Prada propose des survêtements colorés, Emporio Armani parie sur des sarouels légers, et Dolce & Gabbana mise tout sur le pyjama.

Le calme avant la tempête : c’est l’effet que produit la fashion week homme de Milan, présentée du 20 au 24 juin. La semaine de la mode féminine, en septembre 2025, accueillera les premiers défilés (mixtes) de quatre nouveaux designers, ceux de Demna chez Gucci, Louise Trotter chez Bottega Veneta, Dario Vitale chez Versace et Simone Bellotti chez Jil Sander. En attendant le grand renouvellement de la rentrée, Milan propose une saison masculine printemps-été 2026 succincte, essentiellement portée par les barons de la mode locale : Dolce & Gabbana, Armani et Prada. Les trois maisons ont en commun d’être milanaises, de posséder leur propre lieu où défiler, et d’être fidèles à un style dont elles ne s’écartent jamais.
Dolce & Gabbana organise toujours son show au Metropol, un cinéma des années 1940 reconverti en salle de spectacle par la marque en 2005. Situé sur une large avenue du centre-ville, il attire les curieux venus observer les invités apprêtés, les célébrités plus ou moins célèbres, et même le défilé en lui-même : comme en février, le podium a été cette fois-ci prolongé jusque dans la rue.
Les badauds ont pu constater que Dolce & Gabbana mise tout sur le pyjama, présent sur chacun des 93 looks. Quand il est porté avec le haut et le bas assortis, avec ses rayures et ses couleurs tendres, il se substitue au costume. Il se fait parfois discret, se confondant avec une chemise ou un short. Mais peut aussi surgir là où on ne l’attend pas, sous un imperméable noir ou une veste poilue à imprimé léopard.
Rehaussés de sequins en forme de tournesols ou de roses, les pyjamas se métamorphosent en tenues de soirée, provoquant un intéressant paradoxe entre la légèreté du tissu et la richesse des broderies. Certaines de ces expérimentations fonctionnent mieux que d’autres, mais l’ensemble est plutôt convaincant : avec son tissu coloré, léger et couvrant, le pyjama est indéniablement une bonne tenue estivale.
Prada a l’habitude de créer à chaque saison, dans l’enceinte de sa fondation, un décor étrange et spectaculaire : des échafaudages de chantier tapissés de moquette, un sous-bois sous un sol de verre, un plafond qui déverse une substance visqueuse, etc. Pour une fois, l’immense entrepôt qui accueille le défilé est vide, le sol seulement recouvert de quelques tapis en forme de fleurs. Le soleil rentre à flots par les fenêtres, soulignant la beauté de l’espace conçu par Rem Koolhaas.
Les silhouettes font preuve de la même sobriété. Chemisette imprimée, costume marine croisé, survêtement coloré, manteau en coton léger, maille légère à col roulé… Le cœur de la garde-robe est constitué de basiques faciles à porter. Pour pimenter leur proposition, Miuccia Prada et Raf Simons jouent sur les détails (chapeaux en forme de cloche, mocassins à bout ouvert, culottes courtes en laine) et sur le stylisme (du vermillon associé à du turquoise, une veste de sport sous une veste de costume).
Trek dans le désert
« Il y a tellement d’agressivité et de méchanceté dans le monde. Nous voulions changer de ton, apporter un peu de calme ; ceci est notre humble contribution », explique Miuccia Prada. « Parfois, on imagine des vêtements à l’architecture compliquée, mais là, on voulait juste quelque chose de frais, léger, coloré. De toute ma carrière, je n’ai jamais eu autant de facilité à assembler les différentes pièces entre elles », remarque Raf Simons. Des intentions louables, mais la collection est trop prudente pour être vraiment enthousiasmante.
A quoi ressemble un événement Armani sans Giorgio Armani ? Difficile de voir une différence. Le 20 juin, la marque a fait savoir que le fondateur nonagénaire, « en convalescence à son domicile », ne pourrait être présent à ses deux défilés milanais, et que Leo Dell’Orco, le responsable des collections homme qui travaille dans la maison depuis 1977, saluerait à sa place.
Au défilé Emporio Armani, présenté dans les locaux en béton brut de la marque, signés Tadao Ando, les invités discutent de l’état de santé du fondateur. Quand soudain, les lumières s’éteignent, signe qu’il faut vite regagner sa place. Certains ne sont pas encore assis que, déjà, débarque une armée de mannequins vêtus pour un trek dans le désert. C’est Giorgio Armani qui a passé un coup de fil et intimé l’ordre de commencer. Avant cela, il avait aussi assisté aux répétitions par appel vidéo.
La collection est « un hommage au Sud », où se mélangent des formes armaniesques et des évocations nébuleuses de l’Afrique ou de l’Orient. Les éléments signatures du créateur italien (vestes déconstruites et pantalons larges) se mêlent à des sarouels légers, des tuniques longues, des vestes dorées à pompons, des pulls aux motifs de mosaïques marocaines. Les pièces les plus simples, en coton et lin, sont les plus réussies.
Le défilé Giorgio Armani, la ligne plus luxueuse, joue la carte de la sobriété, avec des costumes souples aux épaules tombantes, des vestes à col châle boutonnées bas, des pantalons larges resserrés à la cheville ou tombant nonchalamment sur des sandales. La collection, foisonnante, pourrait être condensée, mais démontre bien l’étendue du style Armani.
Le salut de Leo Dell’Orco à la fin de chaque défilé est troublant : l’homme possède la même stature que Giorgio Armani, il a aussi les cheveux blancs, et a revêtu l’uniforme bleu marine du fondateur. Pendant une demi-minute, il est resté figé devant le public, statique, avant de disparaître en coulisses. Une apparition étrange et muette qui confère plus à Leo Dell’Orco le statut de doublure que de remplaçant. A Milan, le changement n’est pas forcément pour maintenant.
[Source: Le Monde]