Iran : Donald Trump manifeste son irritation après des questions sur la réussite des bombardements américains
Le président des Etats-Unis a mis en doute un rapport des renseignements du Pentagone ayant fuité dans la presse qui nuance l’efficacité des frappes sur les trois sites nucléaires iraniens.
Donald Trump n’aime pas qu’on lui gâche son plaisir. Le président des Etats-Unis a participé au sommet de l’OTAN à La Haye, mercredi 25 juin, pour effectuer un double tour d’honneur : l’annonce d’un nouvel horizon de dépenses pour les membres de l’Alliance (5 % de leur produit intérieur brut) et le cessez-le-feu obtenu entre l’Iran et Israël.
Pourtant, ses espoirs de célébration ont été compromis par la polémique sur l’efficacité des bombardements américains contre les trois sites nucléaires iraniens : à Fordo, Natanz et Ispahan. Une polémique commencée la veille par la révélation d’un rapport préliminaire, encore incomplet, de la branche du renseignement du Pentagone (DIA).
L’irritation de Donald Trump était visible tout au long de la journée. Son allusion répétée à Hiroshima et Nagasaki – comparaison farfelue censée illustrer la puissance dissuasive des frappes américaines – trahissait zèle et fébrilité. Selon le rapport classifié révélé par la chaîne CNN, puis confirmé par The New York Times, rien ne permet à ce stade d’assurer, comme l’a fait le président américain, que les structures souterraines à Fordo et Natanz ont été « anéanties ». Leurs entrées ont simplement été condamnées. A Ispahan, en revanche, l’installation de conversion de l’uranium gazeux (UF6) en uranium métal semble avoir disparu, ce qui représenterait une perte significative dans le cycle du combustible nucléaire.
Mais, à en croire le rapport, le programme iranien n’aurait été ainsi retardé que de quelques mois, d’autant que, dans l’anticipation des frappes américaines, l’uranium hautement enrichi – soit un stock d’environ 400 kilogrammes – aurait pu être déplacé et caché dans des sites secrets. Cette quantité nécessiterait seulement « dix chargements de voitures », a noté le sénateur démocrate de Virginie, Mark Warner.
Les frappes américaines, une « erreur », selon Antony Blinken
Furieuse, la Maison Blanche a diffusé, avec une rare célérité, un communiqué de la Commission israélienne à l’énergie atomique. Celle-ci estime que les frappes américaines, combinées avec celles de l’aviation israélienne, ont retardé la capacité iranienne de fabriquer une arme nucléaire « de nombreuses années ». « Des décennies », a osé Donald Trump, à La Haye.
En soi, la référence à une source étrangère afin de démentir une évaluation, même incomplète, d’un service américain montre que l’administration a une idée préconçue du résultat qu’elle souhaite lire. Inquiétant, dans la perspective des rapports des autres services, comme la CIA, attendus ces prochaines semaines. Le directeur de la CIA, John Ratcliffe, a estimé que le programme iranien avait été « sérieusement endommagé » par l’opération « Marteau de minuit ». « Si vous voulez apprécier ce qu’il s’est passé à Fordo, mieux vaut que vous preniez une grosse pelle et que vous alliez vraiment en profondeur », a raillé Pete Hegseth, le secrétaire à la défense.
Donald Trump prétend que le rapport préliminaire ne reflète pas la réalité sur le terrain. « Depuis, nous avons rassemblé des renseignements supplémentaires, a dit le président. Nous avons aussi parlé à des gens qui ont vu le site et le site est anéanti. Et nous pensons que toutes les choses nucléaires se trouvent en dessous. Ils ne les ont pas emportées. » Qui sont ces personnes sur le terrain ? Comment établir que l’uranium enrichi s’y trouvait bien, lui qui serait, selon le président américain, « très dur et très dangereux à déplacer » ?
Dans les colonnes du New York Times, le 24 juin, l’ancien secrétaire d’Etat Antony Blinken sortait de son silence pour qualifier les bombardements d’« erreur », alors que la voie diplomatique n’avait pas été épuisée : « Donc si leur programme a été perturbé de façon significative et si gagner du temps est une bonne chose, cela souligne le fait que s’en tenir au JCPoA [l’accord international sur le nucléaire iranien] aurait été la meilleure solution. Il nous avait donné quinze ans de répit, au lieu de juste quelques années. »
Sans stratégie à long terme
Cette référence à l’accord de 2015, déchiré par Donald Trump en 2018, est essentielle pour appréhender la suite. « Ils sont tous les deux fatigués, épuisés, a noté le président américain au sujet de l’Iran et d’Israël. Ils se sont battus très, très durement et très vicieusement, très violemment. Et maintenant, ils sont satisfaits de rentrer chez eux et de sortir. Est-ce que ça peut reprendre ? Un jour, j’imagine que oui, cela pourrait démarrer prochainement. »
La « capitulation sans condition » réclamée par Donald Trump à l’Iran ne ressemble pas à grand-chose à ce stade. Un brouillard épais est tombé sur le reste des activités nucléaires du régime. « Je ne les vois plus s’impliquer à nouveau dans les affaires nucléaires, a dit Donald Trump. Je pense qu’ils en ont assez. Ça fait vingt ans qu’ils s’y consacrent. »
Pourtant, Téhéran n’a pas encore eu à s’engager sur le moindre sujet significatif, en dehors du cessez-le-feu. Pas de promesse de non-agression contre Israël. Pas de reconnaissance officielle de ce pays. Pas d’acceptation du refus de Washington de tout enrichissement d’uranium, en validant, par exemple, l’idée d’un consortium régional avec l’Arabie saoudite, peut-être la Russie. Rien de tout cela. Le régime est resté immobile, encaissant son humiliation militaire, sachant son ciel dorénavant à la merci de futurs raids israéliens.
« Nous allons leur parler la semaine prochaine, à l’Iran, a annoncé Donald Trump. Nous pourrions signer un accord. Je ne sais pas, je ne crois pas que cela soit nécessaire. Je veux dire, ils ont eu une guerre, ils ont combattu et, maintenant, ils retournent dans leur monde. Je me moque du fait qu’on ait, oui ou non, un accord. »
A ce moment de la conférence de presse, la vérité nue apparaissait. Le président américain, focalisé sur la normalisation des relations entre Israël et les pays arabes, n’a pas de stratégie à long terme sur la question du nucléaire iranien. Il estime le dossier bouclé, une fois le cessez-le-feu conclu. Ni le lieu de la prochaine rencontre annoncée avec l’Iran, ni les participants, ni le menu prévu n’ont été précisés. Seul élément tangible : le secrétaire d’Etat, Marco Rubio, a évoqué des négociations directes et non plus par l’intermédiaire d’Oman, comme ce fut le cas pendant deux mois.
[Source: Le Monde]