Donald Trump invite cinq chefs d’Etat africains pour multiplier les « deals »

Un sommet Afrique - Etats-Unis s’ouvre à Washington alors que le président américain marque un intérêt grandissant pour le continent africain, où il souhaite contrer la forte présence chinoise, notamment dans le secteur des minerais.

Juil 9, 2025 - 16:52
Donald Trump invite cinq chefs d’Etat africains pour multiplier les « deals »
Le président Donald Trump à la Maison Blanche, à Washington, le 8 juillet 2025. EVAN VUCCI/AP

Alors qu’il avait manifesté une indifférence teintée de mépris pour l’Afrique au cours de son premier mandat, le président américain affirme cette fois son intérêt pour ce continent, du moins « pour certains de ses pays », nuancent plusieurs observateurs. Après avoir obtenu la signature d’un accord de paix entre la République démocratique du Congo et le Rwanda, le 27 juin, le président américain accueille à la Maison Blanche, du mercredi 9 au vendredi 11 juillet, cinq chefs d’Etats africains, pour un sommet consacré aux questions commerciales et sécuritaires et à la politique migratoire.

« Le président Trump estime que les pays africains offrent des opportunités commerciales incroyables qui conduiront à une prospérité mutuelle », commente sous le couvert de l’anonymat un diplomate américain, en soulignant que désormais « les Etats-Unis sont présents et engagés sur le continent africain ». Lors de ce premier sommet entre les Etats-Unis et l’Afrique, les chefs d’Etat du Sénégal, de la Mauritanie, de la Guinée-Bissau, du Gabon et du Liberia seront représentés. Un assemblage qui soulève des questions alors que ces pays ne sont pas des poids lourds de l’économie du continent.

Martelant son nouveau slogan « Le commerce, pas l’aide », l’administration américaine tente de multiplier les « deals »dans le domaine des minerais stratégiques dont l’Afrique regorge, mais aussi des infrastructures, de l’énergie ou de l’agriculture, tentant au passage de contrer l’« influence néfaste » de la Chine sur le continent.

Lithium, uranium, manganèse

Le Liberia a ainsi annoncé en janvier que des études réalisées par la Chine avaient confirmé la présence de réserves de lithium, d’uranium, de cobalt et de manganèse dans son sous-sol. Une découverte dont le président, Joseph Boakai, espère qu’elle attire 3 milliards de dollars (2,5 milliards d’euros) d’investissements. Juste avant le sommet à Washington a été annoncée la signature d’un accord estimé à 1,8 milliard de dollars entre le groupe minier américain Ivanhoe Atlantic et le gouvernement du Liberia pour le développement d’infrastructures minières, ferroviaires et portuaires.

Selon plusieurs sources diplomatiques, le président gabonais, Brice Oligui Nguema, présentera quant à lui ses ambitions autour de la transformation locale des ressources naturelles, notamment le manganèse brut, un minerai stratégique dont le Gabon est le deuxième producteur mondial. Le pays détient également d’importantes réserves de minerai de fer, dont la première exploitation commerciale, développée par la compagnie minière australienne Genmin en partenariat avec une entreprise chinoise, doit être lancée à la fin de 2026.

« Trump commence à prendre conscience de la présence grandissante de la Chine en Afrique et il se rend compte que, dans son obsession à la contrer, il ne peut pas ignorer le continent africain », observe le politologue sénégalais Serigne Bamba Gaye. Mais, ajoute-t-il, « Trump n’a pas de vision de l’Afrique, ce qui l’intéresse, c’est de voir avec quels pays il peut négocier pour pouvoir renforcer des positions économiques et commerciales dans des domaines spécifiques. »

Les hydrocarbures devraient ainsi être un des sujets discutés avec le président du Sénégal alors que la grande majorité des champs pétroliers offshore du pays n’est pas encore exploitée. Selon une source proche de la présidence, Bassirou Diomaye Faye pourrait ainsi renoncer au litige de Dakar avec l’opérateur du champ pétrolier sénégalais, l’australien Woodside Energy, à qui l’administration fiscale réclame 62,5 millions d’euros, afin d’envoyer un signal positif aux acteurs du secteur.

« Absence d’une démarche concertée » côté africain

Alors que les finances sénégalaises sont plombées depuis le gel des financements du Fonds monétaire international (FMI) consécutif à la révélation d’une dette cachée de 7 milliards de dollars, le soutien américain auprès du FMI et de la Banque mondiale représente une priorité pour Dakar, souligne également un ancien ambassadeur sénégalais à Washington. Sur le plan sécuritaire, le Sénégal pourrait demander des garanties aux Etats-Unis face à l’avancée djihadiste dans l’Ouest malien après l’attaque coordonnée du Groupe de soutien de l’islam et des musulmans, le 1er juillet, le long des frontières sénégalaise et mauritanienne. Des échanges autour de « la sécurité dans le golfe de Guinée » doivent aussi avoir lieu, alors que la Guinée-Bissau, devenue la plaque tournante du trafic de cocaïne en Afrique de l’Ouest depuis le début des années 2000, a renforcé sa coopération avec les Etats-Unis.

Autre sujet de préoccupation pour le Liberia, le Sénégal, la Mauritanie et le Gabon : ils ont été cités, en juin, dans un mémo du département d’Etat révélé par le Washington Post menaçant de restrictions de visas 36 nouveaux pays en raison, selon les Etats-Unis, de la faiblesse de leurs administrations ou de la proportion de leurs ressortissants restant aux Etats-Unis après l’expiration de leur visa. A Dakar notamment, la menace a rendu fébriles les autorités alors qu’entre janvier et juillet 2024, 20 231 Sénégalais ont été interpellés lors de leur traversée de la frontière entre le Mexique et les Etats-Unis, un chiffre multiplié par dix entre 2022 et 2024.

Si le Liberia, notamment, insiste sur la dimension multilatérale de la rencontre en marge des réunions bilatérales, à Dakar, le politologue Serigne Bamba Gaye craint que « chaque pays n’essaie d’avancer ses propres intérêts ». Face à la politique de Donald Trump qui a « porté un coup très rude à l’économie africaine » avec le démantèlement brutal de l’aide publique américaine au développement, il regrette « l’absence d’une démarche concertée » des pays africains.

[Source: Le Monde]