Droits de douane : finalement, les Britanniques ne s’en sortent pas si mal

Le Royaume-Uni avait été critiqué pour s’être empressé de signer un accord commercial avec les Etats-Unis début mai.

Juil 14, 2025 - 07:20
Droits de douane : finalement, les Britanniques ne s’en sortent pas si mal
Le secrétaire d’Etat britannique aux affaires et au commerce, Jonathan Reynolds, lors d’une déclaration sur les droits de douane entre le Royaume-Uni et les Etats-Unis, à la Chambre des communes, à Londres, le 3 avril 2025. HOUSE OF COMMONS/AFP

C’était le 8 mai, lors d’une conférence de presse hâtivement organisée. Donald Trump dans le bureau Ovale et Keir Starmer en visioconférence depuis une usine Jaguar Land Rover dans les Midlands, au Royaume-Uni, saluaient un accord « historique ». La première négociation commerciale aboutie des Etats-Unis depuis le « Liberation Day » du président américain le 2 avril. L’accord « est bénéfique pour les entreprises et les travailleurs britanniques, il va protéger des milliers d’emplois dans des secteurs-clés, notamment la construction automobile et la sidérurgie », s’était félicité le premier ministre britannique, ajoutant que « le Royaume-Uni n’a pas de meilleur allié que les Etats-Unis ».

L’accord n’avait rien d’un traité commercial classique, couvrant un très large spectre de produits et résultant de longues années de négociations : il s’agissait essentiellement pour le Royaume-Uni d’éviter les tarifs punitifs pour l’exportation vers les Etats-Unis de leurs voitures, de leur acier et de leur aluminium. La taxe américaine sur les véhicules britanniques était censée être ramenée de 27,5 % à 10 % pour un quota annuel de 100 000 voitures expédiées aux Etats-Unis (le taux revenant à son niveau initial pour toutes les voitures importées supplémentaires).

La taxe à 25 % sur les importations d’aluminium et d’acier devait de son côté être annulée. En revanche, les droits de douane de base à 10 % devaient être maintenus par Washington pour toutes les autres importations manufacturières britanniques. En échange, la Maison Blanche s’est félicitée de l’ouverture de nouveaux marchés britanniques, à hauteur de 5 milliards de dollars (environ 4,5 milliards d’euros), dont 700 millions de dollars pour les exportations d’éthanol et 250 millions pour les produits agricoles, dont le bœuf américain.

Maigre consolation

Cette négociation express validait la posture du gouvernement britannique, qui contrairement à l’Union européenne (UE), a refusé de menacer Washington de mesures de représailles commerciales et s’est interdit toute critique ouverte de Donald Trump, sur les sujets commerciaux comme géopolitiques – la guerre en Ukraine ou à Gaza. A droite de l’échiquier politique, les soutiens du Brexit ont salué un « dividende du Brexit », une conséquence positive du divorce avec l’UE. Les négociateurs britanniques ont aussi obtenu la promesse d’un traitement préférentiel concernant d’éventuelles taxes sur leurs exportations de produits pharmaceutiques.

Mais, entre l’annonce du 8 mai et l’entrée en vigueur des nouveaux tarifs, il a fallu encore plusieurs semaines d’efforts diplomatiques et d’allers-retours à Washington du ministre du commerce britannique, Jonathan Reynolds. Lundi 16 juin, en marge du G7 au Canada, Donald Trump a finalement signé un décret mettant en œuvre les tarifs spécifiques aux exportations de voitures britanniques. Il est entré en vigueur lundi 30 juin, mais, mercredi 9 juillet, les négociateurs britanniques attendaient toujours la suppression des taxes sur les importations d’acier et l’aluminium.

« Nous sommes le seul pays au monde à n’avoir qu’une taxe de 25 % sur les exportations d’acier », relevait le porte-parole de Downing Street, jeudi 10 juillet. Une maigre consolation, l’industrie nationale de l’acier étant dans une situation périlleuse. Les hauts-fourneaux de British Steel, à Scunthorpe (dans le Lincolnshire), dernier site de fabrication d’acier primaire (issu du minerai de fer et du coke) au Royaume-Uni, ont été sauvés de justesse de la fermeture au printemps : le gouvernement Starmer a acté sa nationalisation partielle. Mais son avenir reste compromis.

Pour autant, les Britanniques ne s’en sortent pas si mal – pour l’instant. Les Européens semblaient confiants d’avoir une meilleure main dans la négociation avec Washington, représentant un marché bien plus important – de plus de 400 millions de consommateurs – et critiquaient l’empressement de Londres à l’égard de Washington. Mais cette logique, qui vaut habituellement pour toutes les négociations commerciales (plus on pèse lourd, meilleures a priori sont les conditions de l’accord), ne s’applique plus dans le cas de l’administration Trump. Et ce d’autant que le président américain ne cache pas son animosité envers l’UE et est un soutien du Brexit.

[Source: Le Monde]