Lorenzo, 27 ans, responsable animation au Club Med, 1 400 euros par mois : « Ce que je gagne, c’est de l’argent de poche »

« La bonne paye ». Chaque semaine, « Le Monde » parle d’argent avec les jeunes, de leurs factures, leur loyer, leurs loisirs. Que signifie bien gagner sa vie ? Comment se projettent-ils dans l’avenir ? Lorenzo s’épanouit dans son métier où le relationnel avec les clients lui « ouvre des portes » pour l’avenir.

Juil 27, 2025 - 06:14
Lorenzo, 27 ans, responsable animation au Club Med, 1 400 euros par mois : « Ce que je gagne, c’est de l’argent de poche »
JULIE JUP

Je gagne 1 400 euros net par mois comme responsable animation au Club Med, dans les Bahamas. Ça paraît peu, mais ce que je touche, c’est que de l’argent de poche, car je suis logé, nourri, blanchi. Le plus important pour moi, c’est d’avoir un métier qui m’épanouit.

Après mon bac STMG [sciences et technologies du management et de la gestion], en 2016, je ne savais pas trop quoi faire. J’ai commencé Staps [sciences et techniques des activités physiques et sportives], mais ça ne me plaisait pas, j’ai arrêté au bout de cinq mois. Le site de Pôle emploi proposait une formation près de chez moi, à Bormes-les-Mimosas (Var), délivrant le diplôme du BPJEPS [brevet professionnel de la jeunesse, de l’éducation populaire et du sport]« option Club Med ». Au début, je pensais que c’était une blague.

La formation a duré treize mois, dont six en stage comme G.O. [gentil organisateur] au Club. J’ai été diplômé en décembre 2018. Trois mois plus tard, je démarrais ma carrière à Albufeira, au Portugal, en tant que G.O. « sports terrestres ». Ensuite, j’ai travaillé notamment à Grégolimano (Grèce) et en Guadeloupe, où je suis passé responsable des sports. Fin 2023, je suis arrivé à San Salvador, une île des Bahamas, j’y suis en poste actuellement. Entre-temps, je suis parti six mois sur le voilier Club-Med-2, j’étais à la fois responsable de l’animation et responsable des sports pour les 300 clients de chaque croisière.

« Je fais ça pour le côté humain »

Dans les Caraïbes, les saisons durent la plupart du temps un an, mais on ferme en août-septembre à cause des ouragans. Tous les jours, de 8 h 30 à 17 h 30-18 heures, je suis sur le terrain avec les clients. Vers 19 h 15, on prend l’apéro avec nos « G. M. », les « gentils membres » comme on les appelle. On leur propose des activités, par exemple une démonstration de ski nautique ou un tournoi de volley, et ensuite, le soir, on a les spectacles. Je me couche tard, vers 1 heure du matin.

Quand j’ai commencé ce métier, j’ai reçu des commentaires du style « branleur », « t’es là pour les nanas et faire la bringue ». Certes, c’est un métier à part, mais on a des horaires à rallonge et un seul jour de repos par semaine. C’est un métier où il faut de l’énergie, du mental, sans compter que tu es loin de ta famille.

Je ne fais pas ça pour l’argent, mais pour le côté humain, c’est ce qui me fait vibrer. Je rencontre énormément de gens de différentes nationalités – des Mexicains, Canadiens, Américains, Chinois, Japonais, Grecs, Portugais… –, exerçant des métiers très différents. C’est quand même assez cher, donc ce sont des clients avec de beaux postes ou pas mal d’argent. Au Club, on a un carnet d’adresses énorme, ça t’ouvre des portes le jour où tu veux arrêter. On m’a toujours dit : « Si tu arrives à te loger dans tous les endroits de la France et même quelques pays du monde, grâce à des “G.M.”, c’est que tu as bien réussi. »

Là, je suis dans un endroit paradisiaque : j’ai vue face à la mer, il fait 35 degrés, je mange au restaurant matin, midi et soir, je peux aller faire du tennis, aller nager… Je n’ai pas à dépenser grand-chose, j’ai juste à payer mes abonnements Netflix, Spotify, et téléphonique.

« L’argent n’a jamais été tabou »

J’essaie de mettre le plus possible d’argent de côté par mois, plus de la moitié de mon salaire en général. Je ne sais pas trop combien j’ai sur mon compte épargne parce que c’est ma mère qui gère mes comptes, je ne m’y suis jamais vraiment intéressé. Je viens d’investir dans un appartement avec elle à Bormes-les-Mimosas. Je ne sais pas combien exactement j’ai mis d’apport, c’est elle qui a géré mais je pense aux alentours de 15 000 euros. On vient d’avoir les clés, et si tout se passe bien, j’y habiterai à mon retour en septembre. C’est ma mère qui m’a proposé ce projet, elle trouvait que c’était une bonne chose pour mon avenir.

Je suis fils unique. Mon père est employé de mairie et ma mère, directrice d’hôtel. Mes parents m’ont toujours dit : « Tant que tu fais un métier que tu aimes, on sera les plus heureux. » Ils ne m’ont pas bourré le crâne du style « il faut que tu fasses dix ans d’études pour gagner tant ». Aujourd’hui, ils sont hyperfiers de mon parcours, de mon évolution, je suis quand même dans une entreprise qui est reconnue mondialement.

L’argent n’a jamais été tabou, même si on ne parlait pas de ça tout le temps. Mes parents m’ont donné des conseils pour faire attention et ne pas flamber tous mes salaires en boîte ou faire des dépenses inutiles. Par exemple, j’aurais bien aimé m’acheter une voiture, mais pour qu’elle reste dix mois sur douze dans le garage, ça ne sert à rien. Je pourrais m’acheter des superfringues mais je les mettrais quand ? J’ai énormément d’affaires, mais en lien avec ma vie du Club : des chemises, des maillots de bain, j’en achète beaucoup, c’est un kiff.

« J’espère que d’ici à deux ou trois ans, je serai chef de village »

En dehors des saisons, je suis le genre de mec à ne pas compter mon argent. Quand je rentre en France, j’adore manger au restaurant parce que je n’aime pas faire à manger. Au Club, j’aime bien de temps en temps m’acheter une bonne bouteille de vin à 50 euros ou 70 euros : on nous paye les boissons de base, mais les boissons premium, c’est payant. Quand je vais dans un magasin, dès qu’il y a un truc qui me plaît, je l’achète, mais à un prix raisonnable, je n’ai jamais acheté un maillot de bain à 250 euros…

Quand je rentre d’une saison, j’essaie de passer le plus de temps possible avec mes parents, je n’ai pas de loyer à payer, je vis chez eux. En moyenne, j’ai deux fois quinze jours de coupure par an. Je pars en vacances avec eux, avec mes amis… je voyage beaucoup. Début mai, par exemple, je suis allé à Dubaï avec mon meilleur ami.

C’est compliqué de gérer la distance. Les amis que j’avais plus jeune, je ne les vois plus, parce qu’ils ont fait leur bonhomme de chemin. Aujourd’hui, ça va mais au début de ma carrière, j’avais un peu de mal avec ça. J’ai eu une relation d’un an, mais la vie amoureuse aussi c’est compliqué avec mon travail. Je ne mettrai jamais en péril mon métier au Club pour quelqu’un.

J’espère que d’ici à deux ou trois ans, je serai chef de village. Tu gères les clients, les « G.O. » et les « G.E. » (gentils employés), c’est comme si t’étais le président quoi, il n’y a personne au-dessus de toi. Avoir une vie rangée, ça ne me fait pas envie. Quand je vois mes amis avec des enfants, une maison, qui font du 9 heures-18 heures dans un bureau, pour l’instant, ça ne m’intéresse pas.

[Source: Le Monde]