Charles Kushner, ambassadeur des Etats-Unis en France, convoqué lundi au Quai d’Orsay après avoir critiqué « l’absence d’action suffisante » d’Emmanuel Macron contre l’antisémitisme
Le nouvel ambassadeur des Etats-Unis en France s’inscrit dans la droite ligne du premier ministre israélien, Benyamin Nétanyahou, qui avait écrit au président français pour dénoncer le projet de reconnaître l’Etat de Palestine.

Charles Kushner, le nouvel ambassadeur des Etats-Unis en France, était resté discret depuis son arrivée à Paris, courant juillet. Sa première initiative publique devrait cependant tendre les relations entre Emmanuel Macron et Donald Trump. Dans un courrier daté du lundi 25 août, et diffusé par ses services à la presse dimanche en fin d’après-midi, le père de Jared Kushner, le mari d’Ivanka Trump, la fille aînée du président américain, met en garde le chef de l’Etat contre la montée de l’antisémitisme en France.
Ce 25 août « marque le 81e anniversaire de la libération de Paris par les Alliés, mettant fin à la déportation des juifs en France, date qui me paraît pertinente pour vous exprimer ma profonde inquiétude face à la flambée de l’antisémitisme en France et à l’absence d’action suffisante de votre gouvernement pour le combattre », écrit le représentant des Etats-Unis en France, nommé par Donald Trump après son retour à la Maison Blanche.
La lettre s’inscrit dans la droite ligne du récent courrier du premier ministre israélien, Benyamin Nétanyahou, à Emmanuel Macron afin de dénoncer le projet du locataire de l’Elysée de reconnaître l’Etat de Palestine, lors de la prochaine Assemblée générale des Nations unies, en septembre. Le 19 août, le dirigeant de l’Etat hébreu avait exprimé sa préoccupation sur « la montée alarmante de l’antisémitisme en France ».
« Votre appel à un Etat palestinien alimente ce feu antisémite, écrivait le premier ministre israélien. Cela récompense la terreur du Hamas, renforce le refus du Hamas de libérer les otages, encourage ceux qui menacent les juifs français et favorise la haine des juifs qui rôde désormais dans vos rues », accusait Benyamin Nétanyahou. Une analyse « abjecte »et « erronée », avait répliqué l’Elysée.
Mais un point de vue que Charles Kushner partage entièrement, d’après sa missive au président de la République. « Des déclarations qui vilipendent Israël et des gestes en reconnaissance d’un Etat palestinien encouragent les extrémistes, fomentent la violence et mettent en péril la judéité en France », écrit le beau-père d’Ivanka Trump : « Aujourd’hui, ce n’est plus possible de tergiverser : l’antisionisme, c’est l’antisémitisme, point », ajoute-t-il avant de donner un tour plus personnel à son courrier, en mettant en avant sa proximité avec le président républicain : « Le président Trump et moi avons des enfants juifs et partageons des petits-enfants juifs. Le peuple américain et moi-même savons très bien ce qu’il pense de l’antisémitisme. »
Reconnaissance de l’Etat de Palestine
« L’antisémitisme a longtemps été un fléau dans le quotidien des Français. Depuis l’attentat sauvage du Hamas le 7 octobre 2023, cette déferlante est désormais accompagnée d’une campagne d’intimidation et de violence menée par des extrémistes pro-Hamas et des militants radicaux. Il ne se passe pas un jour en France sans que des juifs soient agressés dans les rues, des synagogues et des écoles dégradées, et des entreprises appartenant à des Juifs vandalisées », affirme l’ancien associé en affaire de Donald Trump, gracié par ses soins à la fin de son premier mandat après sa condamnation pour malversation fiscale.
Lui-même fils de survivants de la Shoah, Charles Kushner se permet de fixer une sorte de feuille de route au président français, pour lutter contre le fléau qu’il dénonce. « Monsieur le président, je vous exhorte à agir avec résolution : faire appliquer les lois relatives aux crimes de haine, et ce sans exception ; garantir la sécurité des écoles, des synagogues et des entreprises juives ; poursuivre en justice les malfaiteurs avec toute la rigueur du droit ; et abandonner les initiatives qui servent à légitimer le Hamas et ses alliés. »
Cette démarche, et le ton de la lettre, illustrent la ferme opposition de l’administration Trump au projet de reconnaissance de l’Etat palestinien par Paris, au moment où la diplomatie française espère entraîner dans son sillage d’autres pays, comme le Royaume-Uni, le Canada, et l’Australie. Les relations se sont tendues entre Emmanuel Macron et Donald Trump au sujet du Moyen-Orient, notamment depuis le sommet du G7 de Kananaskis, au Canada, mi-juin, en pleine offensive israélienne contre le programme nucléaire iranien.
La réplique des autorités françaises n’a pas tardé. « Les allégations de l’ambassadeur sont inacceptables. Elles vont à l’encontre du droit international, en particulier du devoir de ne pas s’immiscer dans les affaires intérieures des Etats prévu par la Convention de Vienne de 1961 qui régit les relations diplomatiques », a réagi le Quai d’Orsay dans la soirée : « Elles ne sont par ailleurs pas à la hauteur de la qualité du lien transatlantique entre la France et les Etats-Unis et de la confiance qui doit en résulter entre alliés. »
Charles Kushner a été convoqué au ministère des affaires étrangères, lundi. « La France réfute fermement ces dernières allégations », poursuit le Quai : « La montée des actes antisémites en France depuis le 7 octobre 2023 est une réalité que nous déplorons et sur laquelle les autorités françaises font preuve d’une mobilisation totale, tant ces actes sont intolérables. »
[Source: Le Monde]