La pomme, ce fruit qui n’en est pas vraiment un

« La vie cachée des plantes ». Le véritable fruit du pommier, c’est ce que nous nommons… le trognon, nous révèle l’examen attentif de sa structure botanique.

Sep 29, 2025 - 11:14
La pomme, ce fruit qui n’en est pas vraiment un
Une pomme Braeburn. FOODCOLLECTION GESMBH / FOODCOLLECTION VIA AFP

Si ronde, comme pour épouser le creux de la main, et croquante, pour aimanter les dents qui s’y plantent… La pomme est le troisième fruit le plus consommé au monde, après les agrumes et la banane. Les arbres du genre Malus, auquel appartient le pommier cultivé (Malus domestica), tirent leur nom du latin mālum, ou « fruit ». Or un autre mot latin très proche, mălum, désigne le mal. Est-ce pour cette raison que la pomme est souvent assimilée au fruit défendu – à l’identité non dévoilée – du récit biblique ?

Quoi qu’il en soit, les amateurs de pommes en verront des vertes et des pas mûres, avant de découvrir dans quelle catégorie de fruits il convient de ranger cette pièce végétale. Et pourquoi les botanistes, en la matière, peinent à trancher dans le vif de sa chair ferme et juteuse, plus ou moins sucrée et acidulée selon les variétés. Le casse-tête, en vérité, renvoie à cette question essentielle : qu’est-ce qu’un fruit ? Un aliment végétal plus ou moins sucré, généralement consommé en dessert ou en collation, veut le sens commun. En botanique, cependant, la réponse est un peu moins triviale.

Un fruit est toujours le produit d’une fleur. C’est l’organe végétal qui, à maturité, contient les graines. Plus précisément, il dérive de la transformation de la paroi de l’ovaire (qui se loge à la base du pistil, la partie femelle de la fleur), une fois les ovules fécondés par les grains du pollen (émis par la partie mâle de la fleur, l’étamine). Mais, dans le cas de la pomme (comme de la poire, de la myrtille…), nous le verrons, les choses sont un rien plus complexes.

Prenons certains fruits simples – et savoureux : l’abricot ou la cerise, par exemple. Ce sont des drupes, c’est-à-dire des fruits charnus dont les graines sont enfermées dans un noyau. La framboise, quant à elle, est une drupe multiple. Il existe un second type de fruits simples charnus : les baies (raisin, tomate…), où les graines (pépins) sont libres.

Mais la pomme ? Examinons le fruit. A l’opposé du pédoncule, se trouve un creux entouré d’éléments desséchés : ce sont les restes des pièces florales (sépales, étamines, extrémité du pistil). Cette disposition résulte d’une particularité anatomique : dans la fleur du pommier (mais aussi d’autres arbres comme le poirier), l’ovaire se trouve en dessous du socle, ou « réceptacle » de la fleur, qui porte les pétales, les sépales et la partie mâle de la fleur. Qui plus est, l’ovaire est soudé à ce réceptacle, de forme concave.

« Deux écoles »

Observons maintenant la coupe transversale d’une pomme. Au centre, nous voyons les pépins (graines) : on en compte un ou deux dans chacune des cinq loges, correspondant aux cavités de l’ovaire qui, quelques mois plus tôt, formait la base du pistil de la fleur. Ces pépins sont entourés d’une enveloppe coriace, cartilagineuse : elle dérive de la partie interne de ces cinq loges. Le tout forme le trognon, c’est-à-dire ce qui reste de la pomme une fois dévorée. Mais attention ! Sur le plan botanique, ce trognon constitue, peu ou prou, le véritable fruit du pommier : c’est lui qui dérive de la paroi de l’ovaire. La partie noble de la pomme, au fond, n’est pour nous qu’un déchet.

Infographie : Le Monde, Audrey Lagadec

Poursuivons l’examen. Autour du trognon, nous devinons une mince membrane fibreuse : ce sont les faisceaux conducteurs du réceptacle – nous les avalons le plus souvent sans le savoir. Ensuite vient la partie comestible. « La partie charnue de la pomme, pour l’essentiel, est issue du réceptacle floral, qui s’est considérablement hypertrophié et gonflé de nutriments, entraîné par la paroi de l’ovaire à laquelle il adhérait », explique Valéry Malécot, enseignant-chercheur à l’Institut Agro Rennes-Angers.

Alors, dans quel type de fruits classer la pomme ? « Il y a deux écoles. Ceux qui défendent l’idée que la pomme est un “fruit simple”, une sorte de drupe, considérant que c’est l’organe qui renferme les graines, relève Valéry Malécot. Et puis, il y a ceux qui jugent que c’est un “faux fruit”, puisqu’il se développe à partir de deux tissus de la fleur, la paroi de l’ovaire et le réceptacle. » Une mini pomme de discorde, en somme.

Que tout cela ne vous empêche pas de savourer ce fruit défendu… par ceux qui font valoir ses vertus d’aliment « bon pour la santé ». « Je sais à quoi ressemble une pomme qui grille et grésille dans l’âtre, un soir d’hiver, et je sais le réconfort qu’apporte le fait de la manger toute chaude, avec un peu de sucre et un filet de crème… », écrit Mark Twain (L’Age doré, 1874). Une recette qui se tente, si l’on veut changer des très classiques crumbles aux pommes ou autres tartes Tatin. Mais pour ceux qui ne disposent pas d’une cheminée, il reste ce délice : les pommes au four, un mode de dégustation moins poétique – mais plus pratique.

[Source: Le Monde]