Les Etats-Unis basculent dans le shutdown, une première depuis 2018

Face à l’absence de concession des républicains, les démocrates, décidés à marquer leur opposition à Donald Trump, ont refusé de voter le budget. Les activités non essentielles de l’Etat fédéral pourraient se retrouver à l’arrêt dès mercredi. La dernière paralysie budgétaire remonte au premier mandat de Donald Trump, elle avait duré 35 jours.

Oct 1, 2025 - 09:45
Les Etats-Unis basculent dans le shutdown, une première depuis 2018
Le chef de la minorité au Sénat, Chuck Schumer (démocrate de New York), s’adresse aux journalistes au sujet du shutdown, au Capitole à Washington, le 30 septembre 2025. JACQUELYN MARTIN / AP

Une fois n’est pas coutume, le jeu de dupes autour du shutdown aux Etats-Unis a mal tourné. Les républicains et les démocrates ont échoué à se mettre d’accord pour valider les fonds nécessaires à la mise en place du budget de la nation avant mardi 30 septembre à minuit (6 heures du matin mercredi 1er octobre à Paris), provoquant la fermeture des services dits non essentiels de l’Etat fédéral américain.

Les réunions de la dernière chance ont échoué à réconcilier les deux partis, symbole d’une Amérique où le clivage politique ne cesse de s’accroître. Donald Trump a bien tenté de s’en mêler, lundi 29 septembre, en recevant les deux représentants de la minorité démocrate au Sénat et à la chambre des représentants, Chuck Schumer et Hakeem Jeffries, dans le bureau Ovale. Mais était-ce vraiment une main tendue ? A l’issue de l’entretien, le président des Etats-Unis a publié sur les réseaux sociaux une vidéo générée par intelligence artificielle pour se moquer de ses opposants.

Donald Trump a beau contrôler les deux chambres, il avait besoin des voix de l’opposition pour faire passer le texte. Les lois de financement requièrent une majorité de 60 sièges sur 100 au Sénat. Les républicains n’ont que 53 élus. En échange de leurs votes, les démocrates réclament des mesures en faveur de la couverture santé des plus précaires aux Etats-Unis. Ils veulent notamment prolonger l’extension de l’Obamacare, pour un coût estimé à plusieurs centaines de milliards de dollars sur dix ans. L’assurance-maladie gratuite à destination des plus pauvres avait été élargie, après la crise du Covid-19, aux travailleurs qui se situent juste au-dessus de la « limite de la pauvreté », établie aux Etats-Unis à un revenu d’environ 15 000 dollars (12 780 euros environ) pour une personne seule. La mesure doit prendre fin en janvier.

Démocrates et républicains ont fait le même calcul

L’absence d’accord plonge le pays dans les affres du shutdown : 750 000 fonctionnaires devraient se retrouver au chômage partiel dans les jours à venir, selon une estimation du bureau budgétaire du Congrès. Les musées, les parcs nationaux, et la plupart des agences de l’Etat pourraient fermer leurs portes. La justice a les moyens de fonctionner quelques jours mais devra ensuite réduire ses opérations. Même si rien n’est précisément prévu par les textes, les fonctions jugées vitales pour le fonctionnement de la nation, comme les forces de l’ordre, l’armée ou les contrôleurs aériens, sont maintenues. Les fonctionnaires ne toucheront pas de salaire mais devraient les récupérer quand le blocage sera levé.

Le dernier shutdown, qui fut aussi le plus long, remonte à 2018, quand l’Etat fédéral avait fermé ses portes durant trente-cinq jours. A l’époque, le point de désaccord entre Donald Trump et les démocrates portait sur le financement de la construction d’un gigantesque mur à la frontière avec le Mexique.

Les lois de financement, qui nécessitent souvent des votes bipartisans, font toujours l’objet d’âpres négociations, mises en scène dans le grand théâtre washingtonien. L’opposition menace de provoquer la fermeture, pose ses conditions, fait monter les enchères. La majorité se cabre, fait des va-et-vient, des contre-propositions. Le blocage est généralement évité dans la dernière ligne droite, pour ajouter à la dramaturgie. Chaque camp repart en assurant, auprès de ses électeurs, avoir remporté la bataille. Mais pas cette fois-ci. Les démocrates et les républicains ont fait le même calcul : dans cette Amérique ultra-polarisée, mieux vaut mettre en pause l’Etat fédéral que de sembler faire des compromis avec l’adversaire.

Trump semble y trouver son compte

S’il assure ne pas vouloir du shutdown, Donald Trump semble y trouver son compte. Après les vidéos moqueuses lundi soir, le président est passé mardi à la phase des menaces : il promet de profiter du blocage pour licencier de nombreux fonctionnaires fédéraux, tout en faisant peser la responsabilité sur les démocrates. « Nous pouvons faire des choses pendant le shutdown qui sont irréversibles et qui sont mauvaises pour eux », a-t-il expliqué.

De leur côté, les démocrates sont échaudés par l’épisode de mars 2025. Plusieurs d’entre eux, dont le sénateur Chuck Schumer, avaient voté avec les républicains pour éviter un shutdown. Il leur avait été très fortement reproché par la suite de ne pas s’être opposés plus vigoureusement au président. Cette fois-ci, le parti démocrate, dont la popularité a atteint un niveau historiquement bas, n’entend pas rendre les armes sans marquer des points au passage.

Dans quel sens penchera la balance ? Il est difficile de prévoir qui portera, aux yeux des électeurs, la responsabilité du blocage. Les démocrates ont choisi, à dessein, la question de la couverture maladie comme levier de la négociation. Les coupes réalisées par les républicains sont hautement impopulaires aux Etats-Unis. Mais Donald Trump veut déporter le débat sur d’autres fronts. Il prétend ainsi que les démocrates veulent étendre l’Obamacare aux migrants illégaux, ce dont il n’a jamais été question en réalité.

Mais le président américain ne s’arrête pas là. « Ils veulent des frontières ouvertes, ils veulent des hommes qui concourent avec les femmes dans les compétitions sportives, ils veulent que tout le monde soit transgenre, ils ne s’arrêtent jamais, j’ai gagné l’élection avec un raz de marée, mais ils n’apprennent vraiment pas, donc nous n’avons pas le choix, je dois le faire pour le pays », a-t-il expliqué dans le bureau Ovale, mardi. Le shutdown n’est que le dernier des avatars de la guerre culturelle totale menée par Donald Trump.

[Source: Le Monde]