Mort de l'opposant Anicet Ekane emprisonné au Cameroun: "Nous avions demandé à plusieurs reprises sa prise en charge à l'hôpital"

L'opposant camerounais Anicet Ekane, président du Manidem, est décédé en détention dans la nuit de ce dimanche 30 novembre au lundi 1er décembre. Âgé de 74 ans, il était avec son parti le Manidem, l'un des soutiens d'Issa Tchiroma Bakary, opposant en exil qui revendique la victoire à la présidentielle.

Déc 2, 2025 - 11:28
Mort de l'opposant Anicet Ekane emprisonné au Cameroun: "Nous avions demandé à plusieurs reprises sa prise en charge à l'hôpital"
Anicet Ekane. Photo tiré du compte Facebook de Maître Alice Nkom. DR

L'annonce de la mort d'Anicet Ekane, le 1er décembre, a l'effet d'un choc au Cameroun. Âgé de 74 ans, il était un homme politique d’envergure nationale, président du parti politique qu'il avait fondé, le Mouvement africain pour la nouvelle indépendance et la démocratie (Manidem). 

Anicet Ekane est mort en détention ce lundi, plus d'un mois après son arrestation à Douala à son domicile, le 24 octobre. 

Des problèmes respiratoires et cardiaques 

"L'état de santé précaire d'Anicet Ekane était bien connu", souligne d'emblée son avocat, Maître Emmanuel Simh, qui a été prévenu par un capitaine de gendarmerie de la mort de son client dans sa chambre du Centre médical militaire de la Gendarmerie nationale à Yaoundé. 

Souffrant de problèmes respiratoires et cardiaques, Anicet Ekane avait des médicaments qu'il prenait, selon son avocat. Détenu au Secrétariat d'État à la Défense à Yaoundé, son état nécessitait "un plateau technique" de soins inexistant là il où il était détenu. "Dès le début début, nous avions demandé à plusieurs reprises la prise en charge d'Anicet Ekane dans un hôpital en ville. Mais nous n'avons jamais eu de suite favorable à ces demandes"

"Nous en serons plus sur les causes de la mort à la suite du rapport médical qui sera établi par les médecins légistes", déclare Maître Simh qui s'est rendu à la morgue de l'hôpital central de Yaoundé.

"Un règlement de compte politique"

Mais que reprochait-on à Anicet Ekane? Il était suspecté d'"hostilité envers la patrie", passible de la peine capitale précise Maître Simh, mais aussi "révolution, incitation à la révolte et appel à l’insurrection". Sauf que pour toutes ces infractions, aucun fait précis n'a été mentionné, souligne l'avocat. Lors de l'audition d'Anicet Ekane à laquelle il a assisté, l'opposant avait dénoncé un "dossier vide" qui s'apparente à un "règlement de compte politique"

Car Anicet Ekane et le Manidem faisaient partie d'une coalition de partis qui a soutenu la candidature d'Issa Tchiroma Bakary à la présidentielle du 12 octobre. L'ex-ministre de la Communication et de l'emploi du président Paul Biya a toujours revendiqué la victoire et ses soutiens se sont mobilisés en ce sens. 

Quelques jours avant la proclamation des résultats définitifs par le Conseil Constitutionnel, Anicet Ekane avait été interpellé chez lui, à l'instar d'un autre président de parti, Djeukam Tchameni (Mouvement pour la démocratie et l'interdépendance au Cameroun - MDI)membre également de la coalition Union pour le Changement 2025. 

Reste que l'on ne sait pas sous quel régime Anicet Ekane a été maintenu en détention pendant plus d'un mois alors qu'une garde à vue dure 48 heures, souligne Maître Emmanuel Simh.

"Une honte nationale criminelle"

Sur sa page Facebook, la porte-parole d'Issa Tchiroma Bakary, Maître Alice Nkom, dénonce avec vigueur les conditions de sa mort d'Anicet Ekane: "Ce qui s’est passé est une honte nationale. Une honte nationale criminelle. Quel pays digne de ce nom prive-t-il un homme malade de l'oxygène qui le maintient en vie ? Aucun. Jamais."

Militant politique adhérent à l'UPC, l'Union des Populations du Cameroun, dès la première moitié des années 1970, il quitte finalement ce parti historique de gauche pour créer l'UPC-Manidem en 1995 qui deviendra le Manidem. 

Anicet Ekane compte plus d'un demi-siècle d'engagement, et pas qu'en politique. En 2020, il avait survécu à la pandémie de Covid-19. TV5MONDE l'avait rencontré à cette époque et l'homme politique avait témoigné de son engagement aux côtés d'anciens malades du coronavirus, comme lui, qui étaient victimes de stigmatisation dans la société camerounaise.

Son dernier combat est politique. "Ils n'ont pas seulement volé sa liberté. Ils ont volé son souffle. Ils ont volé ses derniers instants. Ils ont cherché à éteindre une voix qui ne demandait qu'une seule chose : la vérité du vainqueur", déclare Maître Alice Nkom dans un vibrant hommage.

Dans un communiqué daté du 1er décembre, le ministère de la Défense du Cameroun annonce qu'une enquête a été ouverte "afin d'établir avec précision les circonstances du décès". Il déclare qu'Anicet Ekane "était pris en charge de manière appropriée par le Corps Médical Militaire, de concert avec ses médecins personnels, et bénéficiait d'un suivi complémentaire dans les formations hospitalières de la place".

[Source: TV5Monde]