Donald Trump contre-attaque pour tenter d’éteindre l’incendie Epstein

Le président américain a demandé formellement la publication de nouveaux documents relatifs au financier accusé de pédocriminalité, mort en prison en 2019. Il a également attaqué en diffamation le « Wall Street Journal », qui a publié un article lui attribuant l’écriture d’une lettre au contenu graveleux adressée à Epstein en 2003.

Juil 19, 2025 - 09:19
Donald Trump contre-attaque pour tenter d’éteindre l’incendie Epstein
Donald Trump, à Washington, le 18 juillet 2025. ALEX BRANDON / AP

Malmené par sa base la plus radicale, qui reproche à son administration son absence de transparence à propos du dossier Jeffrey Epstein, Donald Trump a lancé une contre-attaque sur deux fronts, vendredi 18 juillet. Il a tout d’abord demandé formellement la publication de nouveaux documents relatifs au financier retrouvé mort, en 2019, dans sa cellule de la prison de New York où l’avaient conduit, après de premières poursuites en 2006, des accusations de pédocriminalité.

Le président des Etats-Unis a également attaqué le Wall Street Journal en diffamation, réclamant « au moins 10 milliards de dollars [8,6 milliards d’euros] » en compensation du préjudice subi, à la suite de la publication par le quotidien des affaires d’un article évoquant une lettre au contenu graveleux adressée selon le journal à Jeffrey Epstein à l’occasion de son 50e anniversaire, en 2003. Interrogé par les auteurs de l’article, Donald Trump a nié avoir écrit un tel courrier à un homme qu’il avait publiquement fréquenté. « Nous avons toute confiance dans la rigueur et l’exactitude de nos informations, et nous nous défendrons vigoureusement contre toute attaque en justice », a déclaré un porte-parole de Dow Jones, le groupe propriétaire du Wall Street Journal, dans un communiqué.

Manifestation réclamant la publication des détails concernant l’affaire Jeffrey Epstein et reprochant à l’administration Trump son manque de transparence. A Houston (Texas), le 17 juillet 2025.

La mise en cause du Wall Street Journal, un symbole de la presse traditionnelle que stigmatise invariablement le président, lui a permis de colmater quelques brèches en recevant notamment le soutien public de son ancien allié, avec lequel il est désormais à couteaux tirés, le milliardaire Elon Musk, et de son vice-président, J. D. Vance, resté jusqu’à présent silencieux. La base MAGA (« Make America Great Again », le slogan du président), sous l’influence de la mouvance conspirationniste Q-Anon, qui a longtemps associé les seuls élus démocrates à des réseaux de pédocriminalité, exonère pour l’instant Donald Trump de toute implication dans les crimes présumés du financier, en dépit des liens avérés entre les deux hommes.

Il est probable cependant que la manœuvre peine à ramener le calme parmi ces sympathisants qui se repaissent de théories du complot, dont celle alimentée par le passé par des personnalités de l’administration Trump et qui veut que l’affaire Epstein soit emblématique de l’opacité entretenue par un « Etat profond » pour garantir l’impunité supposée des puissants.

Cette base MAGA avait été outrée par la publication, le 7 juillet, d’un mémorandum lapidaire du département de la justice concluant à l’absence de preuves attestant d’un chantage du financier envers des personnalités pouvant être compromises dans son réseau d’exploitation sexuelle d’adolescentes. Le document niait également l’existence d’une « liste de clients » et confirmait la thèse d’un suicide en prison. Donald Trump avait tenté dans un premier temps de ramener le calme en exprimant son soutien à la responsable du département de la justice, Pam Bondi, dont la tête était exigée par la frange radicale des républicains. En vain.

Propagation de la polémique

La résistance à laquelle il s’est heurté l’a conduit à changer de ton. « Tout cela n’est qu’un canular perpétré par les démocrates. Et certains républicains stupides et idiots sont tombés dans le panneau », avait-il pesté, le 16 juillet. « Mes anciens partisans ont gobé ces “conneries” sans broncher. (…) Laissez ces faibles continuer à avancer et à faire le travail des démocrates, ne pensez même pas à parler de notre succès incroyable et sans précédent, parce que je ne veux plus de leur soutien ! », avait-il écrit le même jour sur son réseau, Truth Social, alors qu’il avait toujours pris soin jusqu’à présent d’entretenir leur flamme.

La levée du secret judiciaire demandée par Donald Trump pour rendre publics des témoignages « pertinents » recueillis par le grand jury constitué pour cette affaire dépend de l’avis d’un juge fédéral. Selon la presse américaine, ces témoignages pourraient d’ailleurs ne représenter qu’une partie infime de l’enquête.

Le président ne peut que constater la propagation de la polémique, qui, le 15 juillet, a fini par atteindre le Congrès. Un fidèle de Donald Trump, le speaker (président) de la Chambre des représentants, le républicain Mike Johnson, a en effet jugé légitimes les demandes de transparence de la base MAGA. Allié à Ro Khanna, un démocrate de Californie, Thomas Massie, un élu républicain du Kentucky, par ailleurs farouche adversaire des choix budgétaires de la Maison Blanche, travaille à un projet de loi exigeant la publication de l’ensemble du dossier. Le succès de leur entreprise va dépendre en bonne partie de la résilience de la base trumpiste.

La cassure entre cette dernière et le président n’a pas de précédent. Peu de temps après son entrée en politique, en janvier 2016, Donald Trump avait assuré qu’il « pourrai[t] [s]e tenir au milieu de la Ve Avenue [à New York] et tirer sur quelqu’un sans perdre d’électeurs ». L’affaire Epstein a ébranlé ce qui est longtemps apparu comme une loi d’airain.

[Source: Le Monde]