Ozzy Osbourne, un des derniers monstres sacrés du heavy metal, est mort à l’âge de 76 ans
Chanteur et cofondateur de Black Sabbath, Ozzy Osbourne avait aussi connu une carrière en solo auréolée de succès après son départ du groupe britannique. Le « Prince of Darkness » est mort mardi matin, a annoncé sa famille.

Un peu plus deux semaines après son ultime concert, le 5 juillet, devant plus de 40 000 fans, pour les adieux de Black Sabbath dans leur ville natale de Birmingham, au Royaume-Uni, le « prince des ténèbres » a tiré définitivement sa révérence.
Après les décès de Lemmy Kilmister de Motörhead (1945-2015) et de Ronnie James Dio (1942-2010), le hard rock perd un de ses derniers monstres sacrés et une de ses voix emblématiques. Ozzy Osbourne, surnommé « Madman »(« L’homme fou »), « Prince of Darkness » (« prince des ténèbres »), ou plus familièrement « Ozzy », est mort à l’âge de 76 ans, a annoncé, mardi 22 juillet, sa famille dans un communiqué. « C’est avec une tristesse que les mots ne peuvent exprimer que nous devons annoncer que notre cher Ozzy Osbourne est mort ce matin. Il était entouré de sa famille et d’amour », écrivent sa femme, Sharon, et ses enfants. Il souffrait depuis plusieurs années de la maladie de Parkinson.
Il avait été le chanteur du groupe britannique Black Sabbath, une des formations rock les plus marquantes des années 1970 avec ses compatriotes Deep Purple et Led Zeppelin. Très populaire, mais méprisé par la critique musicale à ses débuts, le quatuor de Birmingham est pourtant à l’origine d’une multitude de styles, du heavy metal au stoner rock, en passant par le doom et le death metal ou encore le grunge. Kurt Cobain comparait souvent la musique de Nirvana à un « mélange de Beatles et de Black Sabbath ».
L’ambition de devenir une rock star
Quatrième d’une famille de six enfants, Ozzy Osbourne, de son vrai nom John Osbourne, naît le 3 décembre 1948 à Birmingham. Au lendemain de la seconde guerre mondiale, cette ville ouvrière du centre de l’Angleterre est alors la plus grande cité industrielle du pays. Osbourne grandit à Aston, banlieue pauvre détruite par les bombes allemandes puis reconstruite. Sa famille vit dans un modeste appartement de trois pièces ; son père travaille la nuit à la General Electric Company, sa mère le jour dans une usine de câblage.
A l’école, déjà, le jeune Osbourne ne rate pas une occasion de faire le pitre et hérite du sobriquet d’Ozzy. Esprit torturé et imprévisible, il tente à 14 ans de se pendre dans sa chambre, sauvé in extremis par son père. L’élève dissipé quitte les bancs de l’école à 15 ans. Il apprendra bien plus tard qu’il souffre de troubles de l’attention et de dyslexie. Entré prématurément dans la vie active, il devient apprenti dans un abattoir durant dix-huit mois, mais la dureté des tâches et la maigre rémunération l’incitent à sortir du droit chemin. En 1966, il est condamné à six semaines de prison pour un cambriolage raté, son père refusant de payer la caution. Dans sa cellule, il tatoue avec une aiguille les lettres OZZY sur les phalanges de sa main gauche, dans la veine du personnage de Robert Mitchum dans La Nuit du chasseur.
Sorti de prison, il aurait dû reprendre le chemin de l’usine, mais Ozzy ambitionne de devenir rock star. En 1968, il rejoint le groupe Rare Breed où officie le bassiste Geezer Butler (futur membre de Black Sabbath). Les deux hommes le quittent ensemble quelques mois plus tard. Le guitariste Tony Iommi, ancien camarade d’école d’Ozzy, et le batteur Bill Ward se joignent à eux pour former le groupe The Polka Tulk Blues Band, rebaptisé au bout de quelques concerts Earth. Le quatuor tourne en Europe et se produit notamment au Star Club de Hambourg durant une semaine, là où les Beatles ont fait leurs débuts. Apprenant qu’une autre formation américaine utilise le même nom, Geezer Butler propose de renommer le groupe Black Sabbath, d’après un film d’épouvante de Mario Bava sorti en 1963.
Enregistré en deux jours, le premier album, Black Sabbath, sort un vendredi 13 (février 1970) chez le label Vertigo. La célèbre pochette, une inquiétante silhouette vêtue d’un manteau noir posant derrière un vieux moulin à eau, est au diapason de la musique. Personne jusqu’ici n’avait joué un rock aussi sombre, lourd et malsain. La rythmique est exagérément ralentie, se coule sur les riffs lugubres de Tony Iommi et la basse metallique de Butler, le tout exacerbé par des paroles teintées de magie noire et de satanisme.
Une voix à l’incroyable présence
La chanson Black Sabbath, matrice du genre, s’appuie sur une mélodie jouée avec un intervalle de triton (trois tons), appelé « Diabolus in Musica » car considéré au XIe siècle comme maléfique. Le gaucher Iommi est un guitariste hors norme, les deux doigts de sa main droite ayant été amputés au niveau d’une demi-phalange après un accident sur une presse. La voix d’Osbourne possède cette incroyable présence, inimitable, entre le lamento et le chevrotement, tout en s’harmonisant étrangement bien avec l’instrumentation. Ses yeux grimés sur scène intensifient son regard halluciné, généralement sous l’influence de drogues.
L’album Paranoid, paru sept mois plus tard, mieux produit, ne contient que des classiques (dont le single Paranoid) et se hisse numéro un des ventes outre-Manche. Les trois albums suivants, Master of Reality (1971), Vol. 4 (1972) et Sabbath Bloody Sabbath (1973), peaufinent l’alchimie du Sabbath Noir. Certains morceaux dérivent à la limite du rock progressif (Spiral Architect, Children of the Grave…). Les textes de Butler, moins portés sur l’enfer et l’occulte, abordent d’autres thèmes tels que l’aliénation, la culpabilité (la superbe ballade au piano Changes) ou dénoncent la guerre (War Pigs). Après une pause, le groupe revient avec Sabotage (1975), étoffé de synthétiseurs. Bien que réussi, il déroute certains fans. Ce début de déclin est accéléré par la personnalité de plus en plus ingérable d’Osbourne, dont la dépendance à l’alcool et aux drogues amplifie les dépressions. Après plusieurs départs et retours au sein du quatuor, il quitte Black Sabbath en 1978.
Divorcé et empêtré dans la cocaïne, alors qu’on le pense fini, il rebondit avec un premier album solo, Blizzard of Ozz (1980), paru chez Jet Records, dans une veine plus hard rock mélodique et une image policée de clown horrifique. Le disque s’écoule à trois millions d’exemplaires rien qu’aux Etats-Unis, porté entre autres par le jeune guitariste virtuose californien Randy Rhoads. Mais ce dernier meurt en mars 1982 dans un accident d’avion. La même année, Ozzy épouse Sharon Arden, fille du directeur de son label, qui deviendra rapidement sa manageuse, puis l’une des plus redoutables femmes d’affaires du milieu de la musique. Le mariage ne l’assagit pourtant guère. Lors d’un concert dans l’Iowa en 1982, le Madman mord la tête d’une chauve-souris, scandale très médiatisé. L’année précédente, il arrache les têtes de deux colombes devant des cadres de Sony.
Après la mort de Randy Rhoads, Ozzy enchaîne cures de désintoxication et disques médiocres. Les années 1990 le voient toutefois revenir au premier plan avec No More Tears (1991), épaulé par le guitariste américain Zakk Wylde à l’allure de Viking, album dont quatre titres sont coécrits avec Lemmy Kilmister. C’est aussi le moment où le Madman annonce sa première tournée d’adieux, intitulée « No More Tour », une fausse sortie qui se poursuivra jusqu’à la fin des années 2010, quand la maladie de Parkinson et d’autres complications de santé finiront par le rattraper.
En 2002, le chanteur dont la carrière est en perte de vitesse, s’essaie à la télé-réalité. L’émission, intitulée « The Osbournes » et diffusée sur la chaîne MTV, filme son quotidien entouré de sa femme, Sharon, et de leurs enfants, Jack et Kelly. On y voit un père de famille manifestement diminué par des années d’excès en tous genres, dépassé, voire déphasé par l’énergie débordante de sa progéniture. Le programme, étrange cocktail d’humour et de voyeurisme, connaît pourtant un énorme succès et durera quatre saisons, jusqu’en 2005.
Son dernier concert solo en France remonte à 2018 au Download Festival à Brétigny-sur-Orge (Essonne), mais c’est surtout la performance de Black Sabbath au Hellfest, à Clisson (Loire-Atlantique), lors de sa tournée d’adieux en 2016, avec ses compères Tony Iommi et Geezer Butler, qui a marqué les esprits. En dépit de l’âge, la voix n’avait rien perdu de son magnétisme noir. « Une des choses qui me rendent vraiment fier, c’est que Black Sabbath, c’étaient quatre mecs d’Aston – ce qui n’est pas grand-chose – qui avaient un rêve qui s’est réalisé, au-delà de tout ce qu’on pouvait imaginer », avait-il déclaré au biographe Joel McIver.
3 décembre 1948 Naissance à Birmingham (Royaume-Uni)
1967 Fonde le groupe Earth, futur Black Sabbath avec Tony Iommi, Geezer Butler et Bill Ward
1970 Black Sabbath et Paranoid, premier et deuxième albums du groupe
1978 Départ de Black Sabbath
1980 Blizzard of Ozz, premier album solo avec le guitariste Randy Rhoads
1991 No More Tears avec le guitariste Zakk Wylde
2002-2005 « The Osbournes », émission de télé-réalité diffusée sur MTV
2025 Mort à l’âge de 76 ans
[Source: Le Monde]