François Bayrou tente de mobiliser son camp, déstabilisé par sa campagne éclair pour le vote de confiance

Une partie des membres du « socle commun » sont plongés dans l’incompréhension face à un pari jugé impossible. De nombreux élus macronistes anticipent déjà une nouvelle crise politique.

Août 27, 2025 - 13:13
Août 27, 2025 - 12:56
François Bayrou tente de mobiliser son camp, déstabilisé par sa campagne éclair pour le vote de confiance
Le premier ministre, François Bayrou, lors de sa conférence de presse portant sur son budget pour 2026, à Paris, le 25 août 2025. JULIEN MUGUET POUR « LE MONDE »

Après avoir surpris son monde, lundi 25 août, en convoquant un vote de confiance à l’Assemblée nationale pour le 8 septembre, François Bayrou s’est engagé, mardi, dans une campagne éclair afin de tenter d’échapper à la chute annoncée de son gouvernement. Obsédé par l’idée de convaincre l’opinion de souscrire à son plan de 44 milliards d’euros d’effort budgétaire, le premier ministre veut peser de tout son poids sur les oppositions qui le rejettent.

Confidences à L’Express et nouvelle vidéo sur sa chaîne YouTube, mardi, interview au journal télévisé de 20 heures de TF1, mercredi, interventions lors des universités d’été – de la CFDT, mardi, puis du Medef, jeudi… François Bayrou se démultiplie pour faire passer ses messages. « Nous sommes à la bataille dans un travail de conviction pour avoir cette majorité le 8 septembre », a reconnu le ministre de l’économie, Eric Lombard, mardi, sur France Inter.

Pour le chef du gouvernement, ce vote de confiance vise d’abord à valider son diagnostic sur les finances publiques, seul préalable pour mener des négociations. Pour les oppositions, le scrutin a tout d’un référendum pour ou contre le maintien de François Bayrou à Matignon. Les députés ont « treize jours » pour « dire s’ils se placent du côté du chaos ou du côté de la responsabilité », a martelé le premier ministre, mardi après-midi, en marge de la rentrée de la CFDT, alors que la gauche et le Rassemblement national (RN) ont fait savoir qu’ils voteraient contre la confiance.

Lors d’un petit déjeuner réunissant les représentants du « socle commun » – Les Républicains (LR), MoDem, Renaissance, Horizons – dans la matinée, François Bayrou a fourni une exégèse de sa décision prise en catimini. « Le budget ne passera pas, si, avant, il n’y a pas une prise de conscience totale », explique-t-il, convaincu que « chez nous, la crise est perpétuellement latente » et se manifeste aujourd’hui, par la bronca des syndicats, et l’émergence du mouvement du 10 septembre, Bloquons tout. Le locataire de Matignon entend ainsi « montrer la période de chaos et d’incertitude qui s’annonce » s’il était désavoué par le Parlement. « C’est une heure de vérité qui nous ressoude et nous met en position offensive », s’est-il réjoui.

Incompréhension

Mais l’impopularité de François Bayrou, conjuguée au rejet de son plan budgétaire par une majeure partie de l’opinion, rend l’hypothèse d’un sursaut en sa faveur quasi impossible. Si certains membres éminents du camp gouvernemental ont salué son « courage » et sa « lucidité », comme le ministre des affaires étrangères, Jean-Noël Barrot, ou la présidente (Renaissance) de l’Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet, son annonce a déstabilisé une grande partie du « socle commun », parfois plongé dans l’incompréhension.

Ni le secrétaire général de Renaissance, Gabriel Attal, ni le président d’Horizons, Edouard Philippe, ne s’étaient exprimés au lendemain de l’annonce du premier ministre. Les deux prétendants à l’Elysée ont préféré d’abord sonder leurs troupes, mardi, avant de formuler une expression publique. Gabriel Attal a fini par prendre la parole mercredi matin, sur France Inter, pour confirmer que ses députés voteraient « de manière unanime » la confiance à François Bayrou. « Je ferai tout pour aider le gouvernement à tenir et François Bayrou à rester premier ministre », a-t-il assuré, avant d’inviter les responsables politiques de tout bord « à se mettre autour d’une table » pour trouver des pistes de« compromis » sur le budget.

De son côté, le maire du Havre (Seine-Maritime), qui avait promptement réagi à la présentation des orientations budgétaires du gouvernement à la mi-juillet en dénonçant l’absence « de réforme structurelle », a appelé, lundi soir, François Bayrou pour le féliciter sur « son discours de vérité », selon son entourage.

Chez LR, la décision impromptue de François Bayrou a ravivé les dissensions entre le président du parti et ministre de l’intérieur, Bruno Retailleau, et le président du groupe à l’Assemblée nationale, Laurent Wauquiez. Dans deux communiqués distincts, publiés à plusieurs heures d’intervalle, les deux anciens rivaux du congrès exposent leurs divergences stratégiques.

Le premier, partisan d’un soutien franc au gouvernement auquel il appartient, estime que « voter pour la chute du gouvernement, ce serait voter contre les intérêts de la France », quand le second conditionne le vote de confiance à « des clarifications » de la part de M. Bayrou sur les dépenses budgétaires liées « à la bureaucratie, à l’assistanat et à l’immigration de masse ». « L’enjeu pour la France n’est pas de sauver le premier ministre, mais de protéger la France du chaos de La France insoumise [LFI] », prévient Laurent Wauquiez. Cette expression reflète l’hostilité d’une partie des 49 députés LR, qui rechignent à voter la confiance au premier ministre. Et d’ici au 8 septembre, rien ne garantit à François Bayrou un soutien unanime de la droite.

Saut dans le vide

Devant la CFDT, François Bayrou a invité les forces politiques à « remettre en question les réflexes spontanés qu’on peut avoir », alors que le premier secrétaire du Parti socialiste (PS), Olivier Faure, a annoncé, dès lundi soir, que ses députés ne voteraient pas la confiance. Une décision vivement critiquée par le camp présidentiel, qui espérait pouvoir renouer avec le parti, avec lequel il était parvenu à établir un pacte de non-censure lors du budget 2025.

« Que le PS se mette avec le RN et LFI [en votant contre la confiance] montre à quel point les forces politiques sont déliquescentes et ont perdu le sens de la responsabilité », a estimé François Bayrou, mardi matin, devant les élus du « socle commun ». « La situation est brutale mais est révélatrice de la décomposition politique de ce pays », a-t-il ajouté. « Soit ils agissent comme un parti de gouvernement modéré et responsable, soit ils choisissent de rallier la stratégie de l’agitation de LFI », estime le député (MoDem) du Finistère Erwan Balanant, qui espère que le PS revienne sur sa position.

Mais les élus macronistes anticipent déjà un saut dans le vide avec la fin du gouvernement de François Bayrou et une nouvelle crise politique aux conséquences désastreuses. Même si Emmanuel Macron a répété sa volonté de ne pas dissoudre l’Assemblée nationale, la menace d’une nouvelle dissolution est dans toutes les têtes et suscite un débat vigoureux au sein du camp présidentiel. Gabriel Attal a exprimé mercredi son opposition à une nouvelle dissolution. « Ce n’est pas aux Français de régler les problèmes de l’Assemblée, c’est à l’Assemblée de régler ses propres problèmes », a-t-il estimé. La veille, Gérald Darmanin, ministre de la justice, qui avait été l’un des rares à défendre la dissolution de 2024, a déclaré sur France 2 qu’« il ne faut pas écarter cette hypothèse », rappelant qu’il revenait « au président de la République de décider ».

[Source: Le Monde]