A Londres, des fermes à escargots servent à contourner le fisc
Pour éviter de payer une taxe sur les espaces commerciaux, des entrepreneurs britanniques affirment y élever des escargots ou s’en servir comme lieux de culte. Les autorités locales perdent de précieuses recettes fiscales.
Trois rangées de caisses emballées dans des bâches blanches traînent sur le sol nu d’un espace commercial à Old Marylebone Road, dans un quartier cossu de Londres. Chacune contient une poignée d’escargots et quelques feuilles de salade. La photo a été prise lors d’un raid mené fin octobre par l’autorité locale de Westminster. Cette opération« illustre de manière frappante un schéma d’évitement des taxes facturées aux entreprises, basé sur la notion ridicule qu’il s’agit de fermes d’escargots », estime Adam Hug, qui dirige le conseil municipal de Westminster.
Au Royaume-Uni, le locataire d’un espace commercial est tenu de s’acquitter d’une taxe, qui peut atteindre 12 000 livres sterling (environ 13 700 euros) par mois pour un bureau de 465 mètres carrés. Il peut toutefois en être exempté si le lieu est destiné à un usage agricole. Depuis trois ans, plusieurs villes britanniques ont vu émerger un schéma qui consiste à placer quelques caisses remplies d’escargots dans un bureau vide, afin d’obtenir cette exemption.
Le locataire est en général une société-écran, explique la municipalité de Westminster, dans un communiqué publié fin octobre. En cas de procédure légale, elle se met en liquidation et sa facture fiscale est annulée.
Westminster a déjà démantelé quatre fermes à escargots et tente d’obtenir la dissolution de deux autres, exploitées par les entreprises Snai1 Primary Products 2024 et Wessex Associated Trading, précise le communiqué. L’une d’elles, appelée L’Escargotière, affirme sur son site Web qu’elle élève des « Helix aspersa muller », un escargot brun commun, destinés à être livrés à « des restaurants de classe supérieure, des hôtels de prestige, des pubs gastronomiques et des restaurants à emporter orientaux ».
Un coût élevé
Un homme d’affaires du Lancashire, Terence Ball, se trouve derrière les quatre entités démantelées, selon le registre du commerce. Il dirige également une société appelée BoyceBrook, qui propose des solutions fiscales aux détenteurs d’espaces commerciaux vides.
Ce n’est pas la seule astuce imaginée par des entrepreneurs cherchant à éviter de se faire imposer sur leurs espaces commerciaux. En février, le conseil municipal de Douvres a annoncé avoir lancé une action en justice contre Discovery Park, une zone industrielle allouée à des entreprises innovantes basée dans la ville de Sandwich. Quelque 60 unités vides ont en effet demandé à être exemptées de la taxe commerciale, en argumentant qu’il s’agissait de lieux de culte, une autre catégorie qui n’est pas taxée.
Ces schémas d’évitement ont un coût élevé. Westminster estime que les fermes à escargots lui ont valu 370 000 livres de recettes fiscales perdues. Douvres exige 1 million de livres de taxes non payées au Discovery Park.
Mercredi 26 novembre, lors de la présentation de son budget, la chancelière de l’Echiquier, Rachel Reeves, a annoncé une hausse de la taxe sur les espaces commerciaux à partir d’avril 2026 pour les locaux valant plus de 500 000 livres. Cela concernera 3 480 propriétés en Angleterre, qui verront leur facture fiscale augmenter de 112 millions de livres, a calculé la société de conseil fiscal Ryan. De quoi motiver les éleveurs de gastéropodes.
[Source: Le Monde]