Droits de douane : dans la dernière ligne droite, les Européens prêts à assouplir leurs positions pour décrocher un accord avec les Etats-Unis
Après avoir une nouvelle fois consulté les Etats membres, lundi, la Commission européenne espère aboutir à une proposition mercredi, même si Washington a reporté au 1er août l’entrée en vigueur des surtaxes en l’absence d’accord. L’arrangement signé entre les Etats-Unis et le Royaume-Uni fait désormais figure de modèle.

« C’est une cible mouvante », confiait, il y a quelques jours, un diplomate européen, en évoquant l’objectif que poursuit l’Union européenne (UE) dans ses négociations commerciales avec les Etats-Unis. Jusque-là, néanmoins, une chose semblait acquise : l’échéance du 9 juillet à laquelle Washington promettait d’augmenter ses droits de douane si aucun accord n’était trouvé avec Bruxelles. Mais ce week-end, le secrétaire américain au Trésor, Scott Bessent, l’a finalement reportée au 1er août, laissant plus de temps à la Commission, qui négocie au nom des Vingt-sept.
« Nous travaillons à la recherche d’un accord de principe avec les Etats-Unis d’ici au 9 juillet », a martelé, lundi 7 juillet, Olof Gill, l’un de ses porte-parole, qui a également fait état de « progrès » dans les discussions en cours entre les deux rives de l’Atlantique. « Nous sommes au début de la fin de la bataille », a-t-il poursuivi.
D’ailleurs, Ursula von der Leyen et Donald Trump, qui n’entretiennent pas une relation de grande proximité, se sont téléphoné, le 6 juillet. « Ils ont eu un bon échange », assure la Commission. Ces derniers jours, la présidente de la Commission a également multiplié les contacts avec les chefs d’Etat et de gouvernement européens, à commencer par le Français Emmanuel Macron et l’Allemand Friedrich Merz, ce qui laisse présager qu’elle pense être dans la dernière ligne droite.
Depuis son retour à la Maison Blanche, Donald Trump a imposé de nouveaux droits de douane sur les produits européens – soit 25 % sur les voitures, 50 % sur l’acier et l’aluminium et 10 % sur un large éventail de biens – et menace de nouvelles surtaxes qui pourraient aller jusqu’à 50 %. Côté européen, la Commmission a choisi de ne pas répondre, afin de laisser leur chance aux négociations et d’éviter l’escalade.
Des mesures de rétorsion sont prêtes – une première liste de biens américains d’une valeur de 21 milliards d’euros qui pourraient être surtaxés a été arrêtée, une seconde de 72 milliards d’euros est en passe de l’être – mais il reste à appuyer sur le bouton.
Il reste des points de blocage importants
La Commission prend désormais comme modèle l’accord qu’ont conclu les Etats-Unis et le Royaume-Uni début mai, et qui maintient les 10 % de prélèvements horizontaux, en échange de concessions sur les secteurs de l’automobile et de l’acier britanniques. Après l’avoir largement critiqué, au motif qu’il pérennise une situation asymétrique, l’UE semble désormais considérer qu’il n’est pas si indigne. Aujourd’hui, en effet, la perspective de conserver les surtaxes de 10 % n’est plus une ligne rouge pour beaucoup d’Etats membres.
« Cela n’affecterait pas particulièrement » l’Italie, a ainsi affirmé la présidente du Conseil italien, Giorgia Meloni, le 25 juin. « Mieux vaut une solution rapide et simple qu’un résultat long et compliqué, avec des négociations qui durent encore des mois », déclarait pour sa part le 3 juillet le chancelier Friedrich Merz, qui a pour priorité de desserrer l’étau des taxes qui étrangle l’industrie allemande, à commencer par l’automobile, quitte à sacrifier d’autres secteurs. « , Certaines [de nos] industries (…) sont actuellement soumises à des droits de douane si élevés qu’ils les mettent réellement en danger », avait-il plaidé le 26 juin.
La France, de son côté, a été l’un des rares Etats membres à dénoncer un accord qui laisserait les Etats-Unis surtaxer de 10 % les importations européennes, sans que l’UE prenne des mesures de rétorsion. « Soixante milliards d’euros en droits cumulés nous sont imposés et cela impose une réponse », déclarait Emmanuel Macron, le 26 juin. Et le président de la République de poursuivre : « si les Américains conservent le droit de 10 %, il devra y avoir une compensation sur les biens importés des Etats-Unis. Le prélèvement devra être le même, 10 % pour 10 %, sinon nous serions naïfs ou faibles. »
Le 4 juillet, Bjoern Seibert, le chef de cabinet d’Ursula von der Leyen, a testé les Etats membres sur le sujet, au cours d’une réunion avec leurs ambassadeurs auprès de l’UE. Seuls quatre d’entre eux se sont émus du déséquilibre que créerait un accord où des surtaxes de 10 % seraient inscrites dans le marbre : le Portugal, la Suède, le Luxembourg et la France. Bjoern Seibert a aussi expliqué à ses interlocuteurs que la Maison Blanche serait prête à une suppression réciproque des droits de douane dans certains secteurs, comme l’aéronautique – civile comme militaire et sur toute la chaîne de valeur – ou les vins et spiritueux.
Mais, il reste des points de blocage importants. Notamment sur l’acier ou l’automobile, où Donald Trump souhaite qu’une partie des exportations des constructeurs européens en dehors du Vieux Continent soit faite à partir d’une base industrielle américaine. Malgré les pressions des constructeurs allemands, qui discutent avec la Maison Blanche et défendent ce scénario, la Commission s’y est dit, ce jour-là, hostile. Elle a expliqué à ses interlocuteurs qu’elle essayait de négocier des quotas de voitures qui échapperaient aux 25 % de prélèvements.
En France aussi, le ton se fait moins catégorique
Par ailleurs, a poursuivi Bjoern Seibert, Washington voudrait taxer à 17 % les produits agroalimentaires européens, ce dont la Commission ne veut pas entendre parler. Les Etats-Unis envisagent aussi d’étendre les droits de douane de 10 % à deux autres secteurs – la pharmacie et les semi-conducteurs –, que Donald Trump menaçait de surtaxer dans de plus fortes proportions.
Lundi 7 juillet, le commissaire au commerce, Maros Sefcovic a, de nouveau, consulté les diplomates européens. En trois jours, les éléments sur la table n’ont pas radicalement changé. Mais la manière dont les Etats membres les reçoivent, elle, bouge lentement. « La demande américaine sur les voitures irrite un peu moins », confie un haut fonctionnaire européen.
En France, le ton se fait aussi moins catégorique. « Une augmentation faible des droits de douane peut être acceptée si, et seulement si, sur certains secteurs clés d’exportation européens, et notamment français – je pense à l’aéronautique, à nos vins et spiritueux, à nos cosmétiques – [les droits de douane] peuvent être réduits », a détaillé le ministre français délégué au commerce extérieur, Laurent Saint-Martin, lundi, sur RTL. Dans ce scénario, la France, dont l’industrie est bien moins importante que sa concurrente allemande et qui exporte peu outre-Atlantique, préserverait ses secteurs les plus exposés.
La Commission européenne et son équipe vont consulter Paris, Berlin, Rome ou Madrid dans les trente-six prochaines heures, en espérant arriver à un accord de principe mercredi. Les détails pourraient en être fixés ensuite, d’ici au 1er août.
[Source: Le Monde]