Cessez-le-feu à Gaza : après la visite de Benyamin Nétanyahou à Washington, beaucoup d’effets d’annonces pour très peu d’avancées

Malgré des annonces très optimistes de Donald Trump sur la perspective d’un cessez-le-feu à Gaza en amont de la visite du premier ministre israélien, la rencontre entre les deux dirigeants ne s’est soldée par aucun accord. A Tel-Aviv, les familles expriment colère et exaspération face à l’attitude de leur gouvernement.

Juil 14, 2025 - 07:11
Cessez-le-feu à Gaza : après la visite de Benyamin Nétanyahou à Washington, beaucoup d’effets d’annonces pour très peu d’avancées
LUCIEN LUNG/RIVA PRESS POUR « LE MONDE »

L’optimisme était à son comble mais, une semaine après les déclarations quasi triomphantes de l’administration américaine sur la perspective d’un cessez-le-feu dans la bande de Gaza et la visite officielle du premier ministre israélien, Benyamin Nétanyahou, aux Etats-Unis, il a été remplacé par un silence pesant. Jeudi 10 juillet, après quatre jours de rendez-vous avec l’administration américaine à Washington, et au moins deux entrevues avec le président Donald Trump, le chef du gouvernement est rentré en Israël sans accord.

Dans un communiqué publié à la fin de cette rencontre, qu’il décrit lui-même comme « historique », le dirigeant israélien a précisé : « Ce dont nous avons convenu, le président Trump et moi, sur les questions concernant Gaza, la région et même au-delà, sera abordé prochainement. » Dimanche, Benyamin Nétanyahou n’avait encore donné aucun détail supplémentaire sur le contenu de ces discussions.

Des panneaux avec le portrait du président Donald Trump lors d’une manifestation pour un cessez-le-feu, au boulevard Begin, à Tel Aviv, le 12 juillet 2025.

Tout avait pourtant bien commencé. Le 2 juillet, une semaine après la fin du conflit avec l’Iran et cinq jours avant l’arrivée du dirigeant israélien à la Maison Blanche, sur son propre réseau social, Donald Trump s’est répandu en félicitations sur le rendez-vous « long et productif » de ses conseillers avec le gouvernement israélien, qui venait d’accepter le principe d’un cessez-le-feu temporaire de soixante jours, avec l’assurance d’engager des discussions sur un arrêt définitif de la guerre. Dans une ronde désormais bien connue, des équipes de négociateurs de chaque camp se sont retrouvées à Doha, avec les médiateurs qataris, à qui le Hamas venait de transmettre sa « réponse positive » à une nouvelle série de discussions.

Aucun compromis sur trois points centraux

Pour son deuxième voyage aux Etats-Unis depuis le 7-Octobre, Benyamin Nétanyahou est arrivé à la Maison Blanche en grande pompe, le 7 juillet. Avant le premier dîner organisé dans la Blue Room (la salle bleue, qui sert de salon de réception), en présence d’un groupe de journalistes, le premier ministre israélien a d’abord remis à Donald Trump la lettre envoyée par ses soins pour le recommander au prix Nobel de la paix. A table, il lui a aussi offert une mézouzah – un petit texte de prières sous forme de parchemin roulé souvent placé à l’entrée des logements – en forme de bombardier B-2, utilisé lors des frappes sur les installations nucléaires iraniennes, qui portait l’inscription : « Au président Donald J. Trump, en remerciement des belles grosses bombes du “Marteau de minuit” », en référence au nom de l’opération militaire donnée par l’administration américaine.

Des portraits d'otages israéliens lors d’une manifestation demandant un cessez-le-feu, au boulevard Begin, à Tel Aviv, le 12 juillet 2025.

Malgré des rendez-vous au plus haut niveau, avec le vice-président, J. D. Vance, ou encore Pete Hegseth, le secrétaire chargé de la défense, et des premiers échanges sur une possible normalisation des relations d’Israël avec ses voisins régionaux, dont la Syrie, les discussions concernant le cessez-le-feu stagnent rapidement. « Avec ses déclarations publiques sur un arrêt des combats à Gaza et le retour des otages, le président américain voulait aussi rassurer sa base électorale, à qui il avait promis de ne pas se lancer dans des conflits inutiles, après les frappes sur l’Iran, détaille Muhammad Shehada, chercheur au Conseil européen pour les relations internationales. Mais son enthousiasme personnel n’a pas été accompagné d’une véritable pression sur le gouvernement israélien. »

Lors d’une manifestation pour un cessez-le-feu, au boulevard Begin, à Tel Aviv, le 12 juillet 2025.

Selon ce spécialiste de Gaza et de la Cisjordanie, Benyamin Nétanyahou n’a accepté aucun compromis sur trois points centraux : la possibilité de reprendre les combats après le cessez-le-feu temporaire de soixante jours ; la distribution de l’aide par la Gaza Humanitarian Foundation, alors que 798 personnes ont été tuées autour de leurs centres depuis le 19 mai, selon les derniers chiffres du Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme, et le maintien de l’armée israélienne dans une « zone tampon » à la frontière entre l’enclave palestinienne et le territoire israélien, qui inclurait la ville de Rafah, au sud, pour ce projet de « ville humanitaire » jugé illégal par 16 juristes israéliens cités dans le quotidien Haaretz. « Le gouvernement israélien a abordé ces négociations en voulant les utiliser pour la poursuite de ses objectifs militaires », souligne Muhammad Shehada.

A l’issue d’un deuxième rendez-vous entre Donald Trump et Benyamin Nétanyahou, le 8 juillet, à huis clos, aucun des deux dirigeants n’a laissé filtrer la moindre information sur leurs échanges. Fait inhabituel : le président américain n’a rien posté sur les réseaux sociaux. Deux jours plus tard, le 10 juillet, le Hamas a déclaré être prêt à libérer dix otages vivants lors de la première phase d’un arrêt des combats dans la bande de Gaza, contre la libération de prisonniers palestiniens détenus en Israël.

Selon les derniers chiffres du cabinet du premier ministre israélien, seuls une vingtaine d’otages seraient encore en vie sur les 50 toujours détenus dans la bande de Gaza. Donald Trump s’est alors réjoui des « très grandes chances » qu’un accord aboutisse. Depuis, aucun avancement notable n’a eu lieu et les deux camps s’accusent mutuellement de refuser tout compromis.

Une visite pour évaluer l’attitude américaine

Rassemblement sur la « place des otages » à la suite de l’appel du Forum des familles d’otages, pour un cessez-le-feu et la libération de ces derniers, à Tel Aviv le 12 juillet 2025.

Aujourd’hui, plusieurs chercheurs considèrent que le chef du gouvernement israélien s’est rendu à Washington non pas pour la signature d’un accord de cessez-le-feu, même temporaire, mais pour évaluer l’attitude américaine après la guerre avec l’Iran, censée être une étape pour « redéfinir le Moyen-Orient », comme il l’a souvent répété dans la presse ces dernières semaines.

En s’invitant dans la capitale fédérale américaine, le dirigeant israélien a aussi pu gagner du temps pour ménager sa coalition, en Israël, avec une extrême droite opposée à l’arrêt de la guerre, et retarder les audiences hebdomadaires de ses longs procès en cours pour corruption. Le 27 juillet débute la longue pause estivale de la Knesset, à Jérusalem. « Benyamin Nétanyahou fait toujours son maximum pour conserver le plus d’options possibles », détaille Daniel Levy, président de l’US/Middle East Project.

Deux facteurs pourraient encore lui forcer la main pour accélérer la signature d’un accord. D’un côté, les hésitations et les reproches d’une partie de l’armée israélienne sur la poursuite de la guerre, alors que des jeunes soldats sont tués presque chaque jour – rien qu’au mois de juin, 21 militaires sont morts en opération. De l’autre, la pression des familles d’otages, qui multiplient les prises de parole et les mobilisations.

Samedi 12 juillet, au milieu de la « place des otages », à Tel-Aviv, les familles se sont réunies une nouvelle fois pour appeler à la fin de la guerre et au retour de leurs proches. « Je ne sais pas comment on peut encore faire pression sur notre gouvernement », s’interroge Doron Angrest, l’oncle de l’otage Matan Angrest. Plusieurs membres de sa famille ont préféré s’adresser directement à l’administration américaine, qu’ils sont allés voir à Washington, accompagnés de proches d’autres otages, pendant la visite de Benyamin Nétanyahou. La famille Nimrodi, dont Tamir, 20 ans, a été enlevé le 7 octobre 2023, a, elle, décidé de rencontrer des officiels allemands, précise Herut Nimrodi, sa mère, avec, à la main, les lunettes de son fils qui ont été trouvées près du lieu de son enlèvement. « Un cessez-le-feu temporaire ne suffit pas, il faut arrêter cette guerre », insiste-t-elle.

Des manifestants se tiennent sur le bord de la route rue Kaplan, tenant des photos d’enfants Gazaouis morts lors d’une manifestation pour un cessez-le-feu à Tel Aviv, le 12 juillet 2025.

Ce 12 juillet, sur la Begin Road, non loin de la « place des otages », une partie des familles d’otages et quelques milliers de manifestants défilent aussi. Le propos y est plus politique et les pancartes, plus radicales. « Nous commettons un génocide à une heure de route d’ici », peut-on lire, en anglais, sur l’une d’entre elles. « Ce gouvernement n’en a rien à faire de nos vies, surtout si on ne vote pas pour eux », souffle Noam, 30 ans, qui refuse de donner son nom de famille. Au milieu de la voie, un manifestant, perché sur un escabeau, porte un masque représentant le visage de Benyamin Nétanyahou avec un long nez, un bébé en plastique à la main. Plus tard dans la soirée, dans le quotidien israélien Haaretz, des sources gouvernementales ont indiqué que les négociations indirectes étaient toujours en cours au Qatar, à Doha, entre Israël et le Hamas, pour un cessez-le-feu. Sans donner plus de détails.

Le portrait du soldat israélien Hadar Goldin, lors d’un rassemblent sur la « place des otages » à Tel Aviv à l’appel du Forum des familles d’otages, pour un cessez-le-feu et la libération de ces derniers, le 12 juillet 2025.